CONTENU ET STRUCTURE :
Présentation du contenu : Avis divers fournis au sindic général De Joubert et à l'Intendant, par les propriétaires du Canal Royal de Languedoc et par les villes et les corps des marchands de Béziers, Agde, Montpellier, Castelnaudary et Toulouse.
1. Les propriétaires du Canal Royal. - « Mémoire pour les propriétaires du Canal de communication des mers sur le projet du canal de jonction proposé à faire depuis le Sommail jusques au Gaillousty » (non signé et s. d.), le dit mémoire fourni en exécution de la « délibération [prise] par l'assemblée des États [de Languedoc], confirmée par arrest du Conseil du mois de janvier de l'année 1736, qui nomme M. l'Intendant commissaire pour recevoir les dires et contredits de toutes parties, ordonner les vérifications, s'il en juge de nécessaires, pour le tout estre rapporté à la prochaine assemblée ».
Rectification « d'une infinité de faits absolument faux, qu'il a plu à l'autheur du mémoire [produit en juin 1736 (8) par la ville] de Narbonne, d'avancer et d'hazarder, pour donner une lueur de vraisemblance à des propositions qui n'auroint trouvé aucun soutient dans des expositions vrayes » ; - tort que ferait aux propriétaires du Canal Royal le « canal de jonction proposé par le frère Bernardin Pons et demandé par la ville de Narbonne » ; - historique rapide de la création du Canal Royal ;
« Première proposition : le canal de jonction proposé est inutile à l'État, à la Province, au commerce, à la ville même de Narbonne » : - « le haut Languedoc abonde en toute sorte d'espèces de grains et manque de vins, huiles, et eaux de vie ; le bas Languedoc, au con traire, abonde en vins, eaux de vie et huiles, et manque souvent de grains » ; - commerce avec le Roussillon ; - transport des sels de Narbonne au Somail ; - Bordeaux, « entrepôt de tout le commerce du Ponant et de l'Océan » ; - Marseille, « entrepôt de tout le commerce de la Provence, du Levant et de la Méditerranée » ; - ports de Cette et d'Agde ; - « le grau de La Nouvelle est le port le plus mauvais et le plus impraticable de tout le golfe de Léon » ; - « passage des munitions pour le bombardement de Gennes » (mai 1684) ; - véritables causes de « la levée du dernier siège de Rozes » ; - inondations diverses de la rivière de Béziers (l'Orb) ; - inondations de l'Aude, notamment à Coursan ; - réparations à la traversée de la rivière de Béziers par le Canal Royal, achevées en 1733 ; - « les plus grandes barques qui puissent entrer dans La Nouvelle, ne sont que du port de 40 ou 45 tonneaux tout au plus, tandis qu'on voit entrer tous les ans dans le port de Cette des navires anglois, hollandois, hambourquois, danois, suédois, enfin de toutes les nations ; plusieurs de ces navires sont du port de 300 tonneaux » ; - « les Mayorquins et les Cathelans iront toujours de préférence porter leurs huiles au port de Cette ou au grau d'Agde, et jamais au grau de La Nouvelle ;... ces peuples, manquant rarement de grains, ne viennent chercher en France et n'en reportent que des toiles et autres étoffes, dont ils vont se pourvoir à Montpellier et aux foires de Montaignac et de Pézenas » ; - « la ville de Narbonne, et ses environs, n'a besoin ny des bleds, ny des vins, ny des autres denrées de la Province : leurs propres terres leur en fournissent suffisamment » ; - « le canal de la Roubine à La Nouvelle... fournit [à Narbonne] un débouché plus que suffisant pour le transport de ses bleds, qui composent le vray commerce de cette ville ; les autres espèces de commerce que Narbonne fait sont en vermilhon : c'est peut être d'environ 50 quinteaux au plus tous les ans » ; - « on receuille aussy, dans le diocèse de Narbonne, du salicort, mais les terrains où croissent cette espèce de denrées sont plus voisines de Bésiers que de Narbonne, et d'ailleurs ce n'est pas un objet de mil quinteaux par an » ; - le droit de Roubinage, « qui appartient aujourd'huy à la communauté [de Narbonne], forme un revenu réel de plus de 2 800 livres » ; - « la Robine, telle qu'elle est aujourd'huy, fait moudre plusieurs grands moulins, qui sont les seuls qui sont à la portée de Narbonne » ;
« Seconde proposition : la construction de la jonction proposée perdrait entièrement la navigation du Grand Canal, dont elle épuiserait les eaux » : - « aujourd'huy que les eaux du Canal ne sont détournées en nul endroit et qu'il reçoit toutes celles qu'on y peut conduire, on a peine à fournir à une navigation aisée ; il est cinq ou six mois de l'année, où ce n'est qu'avec des précautions infinies,... en ménageant avec soin les eaux qui dessendent du réservoir de Saint-Ferriol, celles de deux ou trois rivières qu'on ramasse en chemin et celles de la rivière de Cesse, dont on prend toutes les eaux qu'on peut prendre, qu'il est possible de parvenir à entretenir dans la grande retenue la quantité d'eau nécessaire à la navigation » ; - la chaussée dite de la Roupille et la rivière de Cesse ; - « il se fait à travers le fonds du lit de la [dite] rivière une filtration impossible à empêcher » ; - « infinité de petites sources inférieures à la chaussée de la Roupille » ; ces sources ne sont cependant pas « assez abondantes pour faire moudre en tout temps... [les] trois moulins » qu'elles alimentent ; - eau prise dans le Canal Royal pour la fontaine de la « petite ville [de Capestan], qui sans ce secours se trouverait absolument à sec » ; - transport, par le Canal Royal, des marchandises pour les foires de Baucaire et de Bordeaux ; - infiltration qui se produiraient fatalement, étant donné « la nature du terrain qui se trouve entre le Somail et le Gaillousty » ; - M. de Niquet, « un des plus habiles ingénieurs que notre siècle ayt produits » ; - « pourquoi M. de Niquet n'exécuta t il pas le projet dont il avoit fait le devis ;... il abandonna le dessein d'achever cette jonction ; il ordonna luy mesme et fit construire la chaussée de la Roupille, telle qu'elle est encore aujourd'huy et s'attacha à perfectionner seulement le canal de Narbonne depuis la rivière d'Aude jusqu'à la mer, canal plus que suffisant pour le débouché des denrées de la ville de Narbonne » ; - « chaussée de clayonnage que M. de Niquet fit construire luy même dans la rivière de Cesse en 1694 » ; - « en 1724, M. Clapiès fut envoyé pour visiter s'il ne serait pas possible de jetter la rivière d'Aude dans le Canal de communication des mers ;... . il n'a pas eu le tems de découvrir et connoître les inconvéniens qui peuvent se présenter » ; - énumération de ces inconvénients, qui « n'échapèrent pas à la pré voyance de monsieur de Niquet ; lors de la construction du Canal de communication des mers, il ne crut devoir rien épargner pour éviter les eaux d'une rivière si dangereuse » ; - « suivant le devis de monsieur le chevalier de Cler ville, fait en 1666, le Canal devoit traverser la rivière d'Aude ; il se trouvoit creusé dans un pays uny et facile ; mais dans l'exécution, M. de Niquet, persuadé des inconvénients sans remède qu'il y aurait à laisser entrer des eaux si dangereuses dans le Canal, le fit excaver dans un pays difficile et plein de rochers, qu'on ne pouvoit point enlever qu'avec peine et une dépense inconsevable, ne croyant pas pouvoir trop payer l'avantage d'éviter les eaux d'une rivière dont il connoissoit tous les dangers ; ce sont des faits dont le procès verbal de monsieur D'Aguesseau fait foy » ;
Conclusion : « il n'est pas possible de prendre les eaux de la rivière de Cesse avec plus d'exactitude qu'on le fait aujourd'huy ;... cette rivière n'est pas assez abondante pour servir à deux navigations ;... ce nouveau canal ne peut être construit sans détruire entièrement la navigation du Grand Canal, en épuisant la partie depuis Argens jusques à Bésiers... »
2. Béziers. - « Observations de plusieurs habitans notables de la ville de Béziers, sur le project de la jonction de la Robine de Narbonne au Canal Royal » (non signé et sans date): - « les sources qui fournissent au Canal de Languedoc, ne sont pas assés abondantes pour [donner] assez d'eau à deux canaux, sans obliger les propriettaires à faire des dépances exhorbitantes pour en ramasser davantage,... sans qu'on puisse avoir une certitude physique ny même morale d'y réussir » ; - si l'on construit ce nouveau canal, le Canal Royal « ne sera en état de servir que de Toulouze au Sommal, car du Sommal à Agde et à Cette, qui est sa véritable destinnation, il manquera absolument d'eau, à cauze de la seignée qu'il faudra nécessairement faire pour fournir à la communication de Narbonne » ; - « ce projet, qu'on peut nommer un monopole, est un des plus grands maux qui puisse arriver à la Province et surtout au Bas Languedoc, car il... faudrait passer par leurs mains, soit pour l'achapt, soit pour la vente, au lieu que, dans l'état où sont les choses, les marchands qui voiturent les grains sur le Canal, les distribuent eux mêmes de ville en ville depuis Thoulouze jusques à Montpellier, et celluy qui ne peut se vendre et qui est superflu, s'embarque pour l'Italie ou pour les pays qui en ont besoin, au port d'Agde ou de Cette » ; - « les bleds et autres grains se cantonnant à Narbonne et sortant par le grau de La Nouvelle, [les villes de] Béziers, Agde, Pézenas, Cette, Montpellier, Lunel, Nîmes, et tous les autres bourgs et gros lieux qui sont aux environs, n'en auront ou point du tout ou du moins très peu et très chèrement » ; - il n'est « peut être aucun [port] de plus dangereux que celluy » de La Nouvelle, « car pendant que les vents de terre soufflent, nuls bâttimans ne sçauroint y entrer, et lorsque les vents de mer régnent, qui sont les seuls qui peuvent y donner entrée, les bâttimans risquent de périr, si ces vents sont tant soit peu violents ; en effect, dans les gros temps, les barques n'avoint d'autre ressource que de gagner le Port Vendres ou de se mettre à l'abry à La Franqui ; ce qui est une ressource bien fâcheuze et quelquefois bien périlleuse » ; - « les peuples sont si fort foulez, qu'il s'en faut de beaucoup qu'ils ayent leur nécessaire et qu'ils puissent payer les subsides ordinaires » ; - « les vins rouges ne sont pas de grand transport ; les muscats et les eaux de vie, qui vont dans les pays étrangers, s'embarquent sur des vaisseaux que le port de La Nouvelle ne sera jamais capable de recevoir » ; - « il n'est jamais veneu du vin rouge de Thoulouze au Bas Languedoc ; c'est au con traire, dans le Haut Languedoc que souvent la plupart des vins rouges du Bas Languedoc se consomment » ; - « les muscats et les eaux de vie, qui sont les seules denrées qui se portent dans l'étranger, se recueillent ou se fabriquent aux environs et à portée d'Agde et de Cette » ; - Cette « est le seul port où les vaisseaux anglois, hollandois et des autres nations du Nord, qui doivent les embarquer, peuvent seuremant aborder » ; - l'huile « est une autre espèce de denrée unique qu'on recueille dans le Bas Languedoc ».
3. Béziers (suite). - « Réfections des marchands et négocians de la ville de Bésiers sur le projet de joindre la Robine de Narbonne au Canal Royal » (signé, mais s. d.): - « les diocèzes de Narbonne, de Béziers et d'Agde sont situéz d'une manière que partie de celluy de Narbonne fait le commerce de la ville de Bésiers, et que la plus grande partie de celluy de Bésiers fait le commerce de la ville de Pézenas, qui est dans le diocèze d'Agde » ; - « Narbonne prend son commerce depuis le Rossilhion jusques à la rivière d'Aude » ; - « cette plaine qui est au dellà d'Aude, du côtté de Narbonne, fournit des grands magazins des grains qui ont leur débouché par le grau de La Nouvelle, à cause des transports qui se font pour la Provence, le Rossillon et la Catalogne ; tous les villages de cette contrée portent leurs grains à Narbonne, et c'est là où ils font leurs provisions » ; - « tout ce qui se trouve du diocèze de Narbonne en deçà de la rivière d'Aude, se jette à Béziers » ; - « depuis Azille, toute la plaine de Lonsac et le bas diocèse de Saint-Pons vont à Bésiers pour porter leurs denrées ou y faire leurs achapts » ; - « la rivière d'Aude, sur laquelle il n'y a point d'autre pont qu'à Coursa » ; - « si le projet dont s'agit étoit exécutté,... la commoditté d'aller à Narbonne y attirerait toutte cette contrée et la ville de Bésiers perdrait dans un instant tout son petit comerce » ; - « la faveur que la ville de Narbonne pourrait trouver pour tâcher de bonifier à grands fraix le port de La Nouvelle, fairoit ralentir les soins que l'on prend des ports de Cette et d'Agde » ; - « lignes qui furent mizes à Bésiers lors de la contagion de Marseille ».
4. Agde. - « Mémoire dressé par la communauté de la ville d'Agde, en conformité de la délibération prise par l'assemblée des États généreaux de la province de Languedoc du 30e janvier 1736, et de la lettre écrite par Monsieur de Joubert, sindic général » (signé, mais s. d.) : - « si le projet du frère Pons est suivi de l'exécution, non seulement une grosse partie de la Province en souffrira beaucoup, mais encore elle sera totalement ruinée » ; - « avant que la Province fit commencer le fameux ouvrage de la jettée, nous n'avions dans notre port que 14 ou 15 tartannes, de la portée de 10 à 12 cents quinteaux, à cause du peu de profondeur qu'il y avoit à notre grau ; aujourd'huy nous en avons au moins 150, de la portée de 2 500 à 3 000 quinteaux, et qui coûtent, l'une portant l'autre, de 10 à 12 mille livres : preuve de l'augmentation considérable du comerce ;... la construction de ce port et de ce canal [projetés par le frère Pons] réduiroit pour ainsy dire aux aumônes 7 à 8 000 personnes, auxquelles ces 150 bâtiments donnent à vivre » ; - « Agde, dont la perte seroit totale,... ne seroit pas la seule ville qui tomberoit en ruine ; Marseillan, Mèze, Bousigues, Frontignan, qui sont au bord de l'étang de Thau, dans lequel la Province a fait faire un canal qui va jusques à Lunel, dans la Robine d'Ayguemortes et de là dans le Petit Rhône » ; - inconvénients pour les diverses villes des diocèses de Montpellier, de Béziers, d'Agde, de Lodève et de Saint-Pons ; - laines que les manufactures de Lodève, de Clermont, etc., font venir par le port d'Agde ; - améliorations faites chaque année par la Province au port d'Agde ; - vin chargé à Agde par les Gênois ; - « don de 12 000 livres, que la Province vient de faire au sieur de Pontmartin, ingénieur, pour l'ayder à faire un canal qui puisse recevoir les eaux troubles et bourbeuses de fortes inondations de notre rivière d'Héraud, pour les conduire jusques à l'étang de Thau, quy nous gâtoient entièrement notre grau » ; - transport de marchandises « quy nous viennent du côté de Toulouse, comme les sucres, qui s'étendent dans tout le Lavaunage, dans les Sévènes et qui passent de là en Suisse et à Genève » ; - transport des munitions pendant les guerres d'Italie et l'Espagne, - « il y a une facilité de faire la farine à Agde, qui ne se trouveroit pas ailleurs » ; - « le Roy tire tous les ans du département d'Agde environ 150 ou 160 mate lots pour le service de ses vaisseaux » ; - « il y a des plaines considérables en Roussillon, qui sont en friche, surtout du côté de Villefalse, qui est à portée de Canet ; si ce port a lieu, l'on ne manquera pas de planter ce terrain en vigne et nous verrons avec douleur détruire la consommation des vins du Languedoc ».
5. Agde (suite). - « Observations des négociants d'Agde sur le projet du frère Pons, religieux carme, pour la construction d'un port à Canet et d'un canal pour aller de celluy de Languedoc en Roussillon », signé : Barry, etc. (Agde, le 30 septembre 1736) : - « si le projet ne renfermoit que le dessin seul de faire un port à Canet, il seroit des plus louables et l'entre prise mériteroit d'estre encouragée pour la sûreté des bâtiments qui naviguent dans le Golfe de Lion, où il ne sçauroit y avoir trop de ports pour y recevoir les bâtiments qui sont surpris d'un vent contraire et de tempeste dans l'estendue de ce golfe dangereux ; mais la construction d'un canal qui comunique de ce port avec le Canal de Languedoc et puis dans le Roussilon, est le projet d'une personne qui veust transférer en Rous silon tout le commerce qui se fait en Languedoc et approprier à sa compagnie la meilleure partie des reveneus du Canal Royal et indirectement sa propriété depuis le Sommail jusques à l'embouchure de l'estang de Thau ; cette partie du Canal compose 13 lieues de long, qui est le tiers de l'estendue de tout le Canal et la partie la plus revenante et la plus nécessaire au bien public » ; - « toutes les marchandises transportées à la foire de Beaucaire, venant de tout pays par Bordeaux et Toulouse,... sont conduites par eau jusques à Lunnel, et souvent jusques à Beaucaire toujours par eau » ; - blés qui descendent du haut Languedoc ; - marchandises achetées aux foires de Bordeaux ; - « foins, qui se font dans les vastes prayries de Ville neuve, Portiragnes et Vias, dont la consommation s'en fait à Cette, Frontignan, Montpellier, Nîmes et Lunnel » ; - « les huilles du bas Languedoc, qu'on commence d'envoyer dans le haut Languedoc, en Guyenne et en Béar, et dont le commerce s'acroit chaque saizon » ; - « les sels de Pecay » ; - vins rouges des diocèses d'Agde et de Béziers, « partie desquels passent en certain tems à Toulouze et desquels il ce fait chaque saison plus de vingt chargements au port d'Agde pour l'Italie et l'Es pagne » ; - « vins muscats et eaux de vie, qui ce font en grande quantité dans les susdits deux diocèses pour passer à Bordeaux et pour charger au port de Cette » ; - papier fabriqué en Languedoc : - « sucres, qui viennent de Bordeaux pour le bas Languedoc, le Dauphiné, le Lionois, le Genévois et la Suisse » ; - « quantité immense de planches, bois de construction, mâts et vergues, dont l'employ s'en fait à Montpellier et au port d'Agde » ; - « Anglois, Irlandois, Ecoissois, Hol landois et Hambourgois, qui viennent au port de Cette pour y charger les vins blancs et eaux de vie de la Province » ; - « les vins muscats du terroir de Béziers,... le plus considérable et presque l'unique reveneu de ce canton » ; - « planches que les parfumeurs de Montpellier employent en très grand nombre à faire des caisses pour les liqeurs et eau de la Reyne d'Hongrie » ; - « la communauté de la ville d'Agde... s'est épuizée pour la construction d'un quay de l'estendue de 300 toises à chaque côtté de la rivière de l' Éraut et autres embélissements du port, pour la commoditté du commerce ;... entrepost qu'elle a toujours eu des vivres des armées de France en Espagne et Itallie ;... 150 bâtiments de mer et 80 barques de canal apparte nant à la ville » ; - « le projet nouveau de faire un port à Canet et de là un canal... ne peut que produire l'anéantissement total du commerce de Languedoc et l'entière destruction de sa marine et ports de Cette et d'Agde » ; - en terminant, les négociants d'Agde indiquent un moyen « de procurer au frère Pons la gloire qu'il cherche de s'imortaliser, et à sa compagnie, plus de proffit et de bennédiction qu'elle ne sçauroit en trouver dans le projet qu'ils ont proposé : c'est de tourner l'entreprize sur un ouvrage que le célèbre M. de Vauban avoit résoleu et que sa mort a différé, c'est sur la perffection d'un port à Brescou » ; - « on ne propose pas icy une plage ouverte et comblée de sable, qu'on ne sçauroit éviter à Canet ; c'est icy une rade qui forme un bassin très espacieux de 20 jusques à 25 pieds de profondeur, un bon mouillage, fond de motte d'herbe, le meilleur de tous les ancrages ; un port qui se trouve déjà protégé d'un fort dans la mer à 600 toises de la côtte ;... il n'y a qu'un môl à construire pour garantir les bâtiments de l'agitation de la mer et qui, du même tems, leur procure la commoditté d'estre amarés à un quay ; la pierre qui peut luy estre nécessaire à la construction de ce môl est sur les lieux même ; l'entrepreneur peut former un canal d'une lieue de long, qui comunique de ce port avec la rivière de l'Éraut et le Canal Royal à l'écluze ronde d'Agde ».
6. MONTPELLIER. - « Mémoire des députés de la Chambre de Commerce de Montpellier sur le projet du frère Bernardin Pons, religieux carme, pour la construction d'un canal pour aller de celluy de Languedoc en Roussillon et d'un port à Canet » (23 octobre 1736) ; - les dits députés « estiment que le projet du frère Pons est contraire aux motifs qui ont déterminé la jonction de deux mers par le Canal de Languedoc ; que l'exécution en seroit très désavantageuse à la Province ; qu'elle interromproit totalement le commerce du haut avec le bas Languedoc et pourrait même, dans les suites, causer la destruction entière du Canal Royal » ; - avant la construction du Canal Royal, « on ne pou voit porter aucunes marchandizes de l'Océan à la Méditerannée qu'en passant le détroit de Gibraltar ;... assurances qu'on payoit souvent fort cher, surtout pendant la guerre » ; - « pendant l'hiver, la pluspart des batimens d'Agde, pour éviter de trop s'expozer, touchent à Cette en allant et revenant de Marseille, et il en a péry beaucoup de ceux qui n'ont pas vouleu prendre cette sage précaution » ; - « on a veu autre fois, dans des villages près de la mer, pétrir le mortier, dont on se sert à bâtir les maisons, avec du vin, ne l'estimant pas plus que de l'eau » ; - « les dépenses immenses que la Province a fait jusques icy pour la construction et entretien des ports de Cette et d'Agde, deviendraient inutiles, ces ports les devenant eux mêmes » ; - du moment que toutes les marchandises « passeraient [par Narbonne et] par le port de La Nouvelle, les propriétaires du Canal [Royal] n'auraient besoin que de l'entretenir jusqu'au Sommail, et ils abandonneraient le reste du Canal qui descend dans le bas Languedoc » ; - marchandises portées à la foire de Beaucaire ; blés du haut Languedoc ; vins et huiles du bas Languedoc.
7. CASTELNAUDARY. - Avis du « corps des marchands » (7 octobre 1736) : - « le corps des marchands... estiment que le projet du canal de communication du Sommail à Narbonne et de là en Roussilon, ne peut être que très avantageux pour le commerce, aussi bien que le port à La Franqui » ; - « en faisant passer par Narbonne les danrées qu'on veut envoyer en Provence, il en coûtera moins de droit qu'en les faisant passer par Agde » ; - « le Roussillon fournit des huiles, des laines, du fer et autres marchandises ; la facilité de les faire venir par eau en Languedoc nous donnera l'abondance, le meilleur marché de ces marchandises et nous procurera une plus grande consommation de grains, dont ils enlèvent ordinairement de grandes parties » ; - « ce canal de communication fournira un débouché inestimable pour les négocians du haut Languedoc, parce que la rivière de Béziers, par où passe le Canal Royal, se trouvant très souvent sablée par les inondations, et par conséquent impossible que les barques puissent passer, comme il arrive, actuellement, le commerce est souvent interrompu, et il l'a été quelquefois des mois entiers » ; - la rivière d'Aude « est plutôt navigable que celle de Béziers, parce qu'elle ne porte point de gravier » ; - « la ville de Castelnaudary, celle de Toulouse et généralement tout le haut Languedoc, a encore un plus grand intérêt à la construction de ce nouveau canal, depuis qu'on a pratiqué, aux dépens de la Province, des grands chemins pour transporter les danrées et autres marchandises des diocèses d'Alby et Lavaur ».
8. CASTELNAUDARY (suite). - « Mémoire de la ville de Castelnaudary » (délibération du conseil politique, du 21 octobre 1736) : - tout en regrettant de n'être pas suffisamment éclairés sur les conditions de ce projet, les conseillers politiques déclarent que, « la Province ne devant y estre pour rien, elle doit regarder le projet du père Pons et de sa compagnie, dans cette supposition, comme une proposition dorée, puisqu'elle a tout à espérer de ce nouveau canal et rien à craindre » ; - « dépence considérable [faite du temps de monsieur de Bas ville] pour randre navigable la rivière de l'Agout, où l'on voit encore plusieurs escluses au dessus de Lavaur, qui ont été innutiles par les mesures mal prises des ingénieurs » ; - les avantages du canal projeté par le frère Pons « sont d'autant plus sensibles aujourd'huy pour cette ville [de Castelnaudary] et pour tout le diocèze, que par le nouveau débouché qu'on vient de pratiquer pour les villes et diocèzes d'Alby, Castres et Lavaur, au moyen des grands chemins qu'on vient de faire aux dépans de la Province, cette ville se trouve inondée de bleds estrangers, surtout pendant le temps que l'ancien Canal chaume ; elle a conséquamant bezoin elle même de nouveaux débouchés » ; - il n'y a que « quelques particuliers de ces trois diocèzes [de Béziers, Montpellier et Agde] et les propriétaires de l'ancien Canal, qui puissent souffrir quelque perte, ou pour mieux dire quelque diminution de profits par la construction de ce nouveau canal ; les négossians de ces trois diocèzes gaigneront peut être moins, parce que les proffits se répandront sur un plus grand nombre de comerçans ou de commissionnaires, mais la cupidité de ces marchands et de ces particuliers peut elle estre un objet capable d'obliger la Province à rejetter le projet du père Pons, si utille d'ailleurs par toutte sorte d'endroits au général de la Province et à tous les diocèzes qui la composent » ; - le Canal Royal « fut réellement préjudiciable en général à toutte la Province, par les prodigieuses dépences qu'il luy occasionna et qui ont entièrement ruiné les propriétaires du fonds rural de ce diocèze et de ceux de Carcassonne et de Narbonne » ; - la ville de Narbonne « avoit peu à peu et depuis l'ancien Canal, perdu tout son commerce » ; - « que si, au contraire, le père Pons et sa compagnie préthendent engager la Province à de nouvelles dépences à l'occasion de ce nouveau canal, l'assemblée [des conseillers politiques de Castelnaudary], bien loin d'approuver le projet du père Pons, supplie Nosseigneurs des Estats de la rejetter ».
9. TOULOUSE. - « Extrait des registres de la Chambre de Commerce de Toulouse » (séance du 28 novembre 1736) : - « la construction d'un canal pour aller de celuy de Languedoc en Roussillon et d'un port à Canet, de même que la continuation des ouvrages pour la jonction du canal de la ville de Narbonne avec le Canal Royal, ne peut qu'estre avantageux pour le commerce, supposé que les eaux nécessaires pour ces deux canaux se trouvent suffisamment, sans prendre aucun secours de l'eau déjà destinée pour le Canal Royal » ; - « si on avoit l'idée de prendre aucun filet de l'eau du Canal Royal, en ce cas la construction ou la continuation de ces deux nouveaux canaux seroit fort préjudiciable et très ruineuse pour le commerce et pour le public » ; - « avantage inestimable » procuré par le Canal Royal ; - « les commerçans s'aperçoivent que dans les mois de juillet et d'aoust, la navigation du Canal Royal est obligée de cesser, par l'insufisance d'eau ; il seroit bien plus avantageux, s'il estoit possible, de procurer une plus grande abondance d'eau dans le Canal Royal, que ne le sera la construction ou continuation de ces deux nouveaux canaux » ; - Broquisse, secrétaire de la Chambre de Commerce de Toulouse.