En 1963, la Mission interministérielle d'aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon dite « Mission Racine » lance une nouvelle impulsion dans la région [1]. La Mission Racine a pour but de détourner le flux du tourisme de masse estival de l'Espagne et de la Côte d'Azur, au profit du littoral languedocien et de développer la filière touristique dans la région. Une « mission impossible [2] » devant transformer les plages du golfe du Lion en une nouvelle Floride française. La façade littoral concernée par ce projet couvre environ 200 kilomètres de littoral, 4 départements et 30 communes. Il s'agit de mettre en œuvre une politique de grands travaux publics visant à aménager des stations balnéaires comme le Cap d'Agde ou la Grande-Motte. Cette politique sera pilotée par un service spécialisé dans ce domaine : le service spécial d'études maritimes et de génie civil.
Le Service Maritime et de navigation du Languedoc-Roussillon est créé en 1966 [3], suite à un arrêté du Ministère de l'Equipement du 21 avril. L'article 1 précise que « le service spécialisé maritime-navigation Hérault-Gard et le service spécial d'études maritimes et de génie civil sont fusionnés en un service unique appelé « service maritime et de navigation du Languedoc-Roussillon, placé sous l'autorité d'un ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, avec résidence à Montpellier ». Il s'agit donc d'un service affecté au littoral et à son aménagement et par conséquent lié à la Mission Racine œuvrant à la même époque.
C'est une création unique, puisque le SMNLR a compétence sur l'ensemble de la région Languedoc-Roussillon, contrairement aux autres services maritimes rattachés au Ministère de l'Equipement et cantonnés à l'échelon départemental. L'activité du SMNLR prend fin en 2006.
Organisation du service
A sa création en 1966, le SMNLR dispose d'une direction basée à Montpellier avec le Secrétariat général (Service du personnel, affaires juridiques, comptabilité, informatique et gestion, service intérieur, communication et cellule économique).
Le territoire languedocien est organisé en arrondissements. Trois de ces arrondissements sont basés à Sète, le port commercial le plus important de la région Languedoc-Roussillon. Le premier arrondissement s'occupe des littoraux gardois et héraultais. Le second arrondissement est affecté à la gestion du port de Sète, mais aussi à la signalisation maritime, au dragage, à l'étude des superstructures. Des ateliers (Docks Richelieu) se chargent des réparations et de la maintenance de la flotte, mais aussi des établissements de signalisation maritime. Un troisième arrondissement étudie les infrastructures, supervise les travaux et se charge du développement et de l'entretien des voies navigables. Avec trois arrondissements, Sète est le pôle le plus important du Service Maritime et de navigation du Languedoc-Roussillon.
Enfin, un quatrième arrondissement a pour aire de compétence les départements de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Cet arrondissement veille à l'exploitation des ports de Port-la-Nouvelle et de Port-Vendres et supervise les aménagements concernant le littoral audois et catalan.
L'organigramme sera remanié en 1996. Le site montpelliérain conservera sa direction et son secrétariat général. Comme en 1966, Sète conservera une grande partie des compétences du SMNLR.
Un « service de l'aménagement et de l'économie » est créé, regroupant les bureaux d'études liés à l'aménagement portuaire, du littoral ou des voies navigables. Une subdivision des grands travaux complète ce service. A cela s'ajoute un « chargé de mission économie » qui s'attelle à la prospective économique, notamment en ce qui concerne les ports d'intérêt nationaux.
Également basé à Sète, se trouve le « service de l'exploitation et de la logistique » qui comprend les phares et balises, la subdivision des dragages, le parc et la flotte. Un autre service basé à Sète, celui des « ports et de la voie d'eau » se charge donc du développement portuaire et des voies navigables.
A Perpignan, se trouve un « service du littoral et des étangs » qui se focalise sur les compétences environnementales et la gestion du domaine public maritime.
A ces services, se greffent des subdivisions découpées en aires géographiques liées au littoral (Pyrénées-Orientales, Aude, Gard, Hérault Ouest et Hérault Est) et les capitaineries des trois ports de commerce que sont Sète, Port-la-Nouvelle et Port-Vendres.
Plusieurs photographes successifs travaillant au sein du SMNLR et du service communication ont assuré une couverture photographique du littoral afin de servir les missions portées par le SMNLR.
Compétences et missions
De 1966 à 2006, les compétences du Service Maritime et de navigation du Languedoc-Roussillon ont été nombreuses. Elles se sont élargies au fil du temps. L'évolution de la politique d'aménagement et l'apparition d'une réglementation environnementale plus contraignante ont contribué à faire évoluer les missions et compétences du SMNLR.
Le SMNLR se crée durant les « Trente Glorieuses », une époque où l'aménagement du territoire et le développement économique importaient bien plus que le respect de l'environnement. Le SMNLR intervient en tant que maître d'œuvre de la Mission interministérielle d'aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon. C'est une expérience d'aménagement du littoral d'une ampleur unique en France, caractéristique des « Trente Glorieuses ». La dynamique d'aménagement se voit contrebalancée avec le temps par une prise de conscience de la richesse environnementale du littoral et de sa sensibilité aux pollutions. Le respect de l'environnement devient synonyme de développement économique, notamment en matière de tourisme.
-Aménagement des zones portuaires, navigables et fluviales :
Le service finance, organise ou supervise la réalisation d'infrastructures. La Mission Racine entreprend la création de stations balnéaires calibrées pour le tourisme de masse, soit six unités touristiques nouvelles : Port-Camargue, la Grande-Motte, Le Cap d'Agde, Gruissan, Port Leucate et Port Barcarès. Le SMNLR s'attelle à la construction des ports de plaisance et des ouvrages de défense contre la mer. Il peut apporter son concours à des collectivités et concessionnaires (départements, communes, syndicats mixtes, sociétés privées) pour la réalisation d'infrastructures et de superstructures (port de plaisance de Valras-Plage).
Les voies navigables font partie du domaine de compétences du SMNLR. Il s'agit en particulier de l'aménagement (écluses, ports de plaisance), de l'entretien et de la police du canal du Rhône à Sète. Le SMNLR se charge également de l'exploitation et de la promotion du canal sur le plan économique et touristique.
-Exploitation des ports de commerce et de plaisance :
En terme d'exploitation technique, le SMNLR assure la direction des ports de commerce de Sète, Port-la-Nouvelle (ces deux ports ont le statut de « port d'intérêt national ») et de Port-Vendres, ce qui signifie assumer l'exploitation commerciale, le suivi des trafics et se porter garant de la réglementation portuaire (contrôle des concessions, des services et de la main d'œuvre portuaire). Les ports de plaisance et de pêche du littoral font l'objet de concessions à des syndicats mixtes, aux communes ou aux chambres de commerce et d'industrie. L'acte I de la décentralisation en 1983 va transférer aux départements et aux communes la gestion de ces ports.
Le dragage constitue également une mission importante dévolue au SMNLR. Avec sa flotte de dragueuses, le service cure et drague les ports et voies navigables. Leur bathymétrie doit être tenue à jour. Un atelier basé sur les quais de Sète se charge de la réparation et de maintenance de la flotte de dragueuses.
Du fait de l'artificialisation des côtes et d'un accroissement démographique très important, le littoral languedocien est soumis à une importante érosion de son trait de côte. Cette érosion a un impact écologique (dégradation des cordons littoraux et des milieux lagunaires) et un impact économique (infrastructures, habitations et activités nombreuses à être menacées par le déplacement de trait de côte, risques de submersion marine). Lors des tempêtes, l'intensité de la houle, du vent et des courants peuvent entraîner un basculement du plan d'eau de la Méditerranée et des ruptures de cordons dunaires ou d'ouvrages.
Le SMNLR s'est employé à étudier l'érosion littorale et à suivre l'évolution du trait de côte. Il s'agit de réfléchir à la construction d'ouvrages de protection afin de lutter contre l'érosion. Les tempêtes et leurs effets sont également analysés.
Par exemple, le SMNLR a participé au Programme de sauvegarde et de réhabilitation du lido de Sète à Marseillan. Ce programme prend en compte les différents problèmes liés au site : réfection et protection de la plage, préservation des zones naturelles où vivent une faune et une flore remarquables, pérennisation des activités économiques, gestion de la circulation et du stationnement.
Le lido de Sète à Marseillan est soumis aux assauts répétés de la houle et des vagues, cette étroite bande de terre et de sable subit lourdement les effets de l'érosion avec des reculs du trait de côte. Les tempêtes de 1982 et de 1997 ont entraîné des dégradations importantes au niveau de l'ancienne route de liaison Sète-Marseillan. Le SMNLR a réalisé cinq brise-lames entre 1981 et 1993 afin de lutter contre l'érosion.
-Gestion du domaine public maritime et fluvial :
Le SMNLR est chargé de la gestion du domaine public maritime. Il attribue des concessions aux entreprises, aux communes et aux particuliers. Il assure le suivi des redevances domaniales. Le service doit veiller au respect de la loi dite « Littoral » du 3 janvier 1986[4].
-Balisage des ports et du littoral :
Le SMNLR se charge du balisage des côtes et des ports, ce qui passe par la construction et la maintenance des établissements de signalisation maritime (ESM). Ces établissements vont du phare (Mont-Saint-Clair, l'Espiguette, Brescou, Cap-Béar) au balisage flottant, en passant par le marquage lumineux et les amers.
-Protection du littoral et des étangs
De nouvelles missions de nature environnementale viennent s'ajouter plus tard. Les marées noires successives sur les côtes françaises contraignent les autorités maritimes à mettre en place des dispositifs afin de limiter les dégâts. Le SMNLR est chargé ainsi d'effectuer des essais dans le cadre du plan POLMAR.
Le dispositif POLMAR a été mis en place par les pouvoirs publics de manière progressive, à la suite des grands accidents maritimes ayant généré des pollutions le long du littoral atlantique entre la fin des années 60 (naufrage du Torrey Canyon en 1967) et la fin des années 70 (naufrage de l'Amoco Cadiz en 1978).
Une circulaire du Ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Equipement, du Logement et du Tourisme datant du 18 octobre 1972 demande la mise en place d'une cellule spécialisée dans la lutte contre la pollution marine. Cette cellule est rattachée au SMNLR. La cellule est dénommée Cellule d'intervention contre la pollution du Languedoc-Roussillon (CIPLAR). Elle sera composée d'un « centre de réflexion et d'études » et des brigades d'intervention et de surveillance. A partir de ce moment, les eaux de plages et des ports de plaisance, les graus et fleuves côtiers, le canal du Rhône à Sète, les étangs font l'objet d'une surveillance et de prélèvements pour déterminer la qualité des eaux.
Dans le cadre du plan POLMAR, des plans d'action sont élaborés afin de protéger les ports de plaisance, les fleuves côtiers et les zones lagunaires à partir de 1979. Ces plans font suite à l'instruction ministérielle du 12 octobre 1978, dite instruction POLMAR. Des exercices (en particulier dans le port de Sète) sont organisés tout au long des années 1980 et 1990.
C'est en 1991, suite à l'arrêté interministériel du 6 décembre 1990, qu'est créé une « cellule qualité des eaux ». Cette cellule « est chargée des missions se rattachant à la police des faits susceptibles d'altérer la qualité des eaux » [5] La Cellule qualité des eaux reprend en partie les missions dévolues à la Cellule d'intervention contre la pollution du Languedoc-Roussillon. Elle a pour mission d'assurer la police des eaux marines et des eaux saumâtres. La Cellule pilote l'instruction des demandes des ouvrages, travaux ou activités ayant des conséquences sur les milieux lagunaires et marins et procède à des contrôles en application du code de l'Environnement (stations d'épuration, rejets, etc). Elle participe aux actions collectives de connaissance et de gestion concertée des milieux littoraux et de leurs usages (Schéma d'aménagement et de gestion des eaux, Contrats d'étangs, Réseau de suivi lagunaire, etc). Enfin, la Cellule met en œuvre le réseau national de surveillance de la qualité de l'eau et des sédiments dans les ports maritimes (REPOM).
La loi relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution du 16 décembre 1964[6], puis la loi sur l'eau du 3 janvier 1992[7] dotent le SMNLR de nouvelles compétences comme la protection des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides et la protection de la qualité des eaux.
Le littoral languedocien est composé de nombreux étangs séparés de la Méditerranée par un cordon littoral sableux. Il s'agit de paysages de type lagunaire. Ces écosystèmes ont été très éprouvés par la politique d'aménagement touristique dont la région a fait l'objet, ainsi que par l'urbanisation galopante. A partir de la fin des années 1970, les étangs bénéficient de programmes de protection et de mise en valeur. Ces programmes consistent à protéger les étangs, lutter contre la pollution, les réhabiliter (lutte contre le colmatage des graus, fosses et amenées d'eau) et enfin développer la pêche et l'aquaculture.
Institué par la loi du 7 janvier 1983, le schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) a pour vocation de concilier activité économique et préservation de l'environnement. Le SMNLR s'est attelé à l'élaboration du SMVM concernant l'étang de Thau et son ouverture sur la mer [8]. Il se donne pour orientations générales l'arrêt de l'urbanisation linéaire des rives, la maîtrise des rejets urbains, industriels et ceux des mas conchylicoles, la collecte des déchets liés à la conchyliculture, le maintien d'activités agricoles, la compatibilité entre les vocations touristiques, urbaine et industrielle de l'étang de Thau et sa protection, la prise en compte de sites inscrits.
Le SMNLR intervient régulièrement lors d'événements de pollution accidentelle pour établir des constats, mais aussi les mesures à prendre par le responsable de la pollution pour ramener le milieu à son état initial. Cette unité assure un suivi régulier à l'Etang de Thau pour prévenir tout déversement anormal. Elle conseille les collectivités territoriales afin qu'elles engagent des travaux d'amélioration pour éviter les contaminations chroniques.
Ce travail a été mené en concertation avec les collectivités territoriales, les organismes consulaires, les associations professionnelles et de défense de l'environnement. Le bassin de Thau a pour principale activité économique la conchyliculture. Ce bassin est aussi caractérisé par la présence et le développement d'activités ludiques (tourisme, plaisance, nautisme) vitales pour la région, mais qui augmentent d'autant plus la pression sur un espace déjà pleinement exploité. Ces activités ne peuvent perdurer que si elles n'exercent pas une pression trop importante sur le milieu naturel où elles ont cours. Le SMVM est approuvé par décret le 20 avril 1995.
Le SMNLR dispose d'engins pour nettoyer les plages et est en mesure de proposer ses services de nettoyage aux municipalités. Dès 1968, le département de l'Hérault se retrouve devant une situation critique par rapport à l'état de propreté des plages, à cause de l'affluence des estivants. La collectivité s'engage dans une politique d'acquisition du matériel de nettoyage les plages qu'il met à disposition du SMNLR qui assure l'exploitation et répond aux demandes des communes. Il s'agit tout d'enlever, avant la saison estivale, les déchets déposés sur les plages durant les tempêtes d'hiver.
Le service accompagne la mise en place de réseaux d'assainissement des eaux. On crée des stations d'épuration pour le traitement des eaux usées des agglomérations et on améliore les stations d'épuration déjà existantes. Les effluents de nature industrielle doivent être traités et on instaure des mesures visant à éviter le rejet dans les étangs des produits agricoles nocifs. Les dépôts d'ordures ménagères sont supprimés en bordure des plans d'eau.
Dévolution des missions du SMNLR
Le SMNLR cesse ses activités en 2006, mais les missions de service public subsistent. Celles-ci sont réparties dans différents services de l'Etat ou services de collectivités territoriales.
Aménagement des zones portuaires, navigables et fluviales : Direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement (DREAL), collectivités territoriales (Région Occitanie et établissements à caractère intercommunal).
Exploitation des ports de commerce et de plaisance : collectivités territoriales (Région Occitanie et établissements à caractère intercommunal)
Gestion du domaine public maritime et fluvial : Direction départementale des territoires et de la mer.
Balisage des ports et du littoral : Direction interrégionale de la mer Méditerranée.
Protection du littoral et des étangs : Direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement, collectivités territoriales (Région Occitanie et établissements à caractère intercommunal).
[1] Inventaire du Service régional du service d'études de la mission interministérielle d'aménagement du littoral du Languedoc-Roussillon, Montpellier (Mission dite "Racine"), par Marc Cambray, Michel Humbert et Michèle Rauzier, revu et augmenté par Marc Cambray. Travail coordonné par Solène Michon sous la direction de Ghislaine Bouchet. Archives départementales de l'Hérault. Montpellier, 2016.
[2] Pierre Racine, Mission impossible ? L'aménagement touristique du littoral Languedoc-Roussillon, Midi Libre, 1980.
[3] Sylvette Baldellon, 1966-2006. Service Maritime et de Navigation du Languedoc-Roussillon, SMNLR, 2006, p. 5.
[4] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000317531
[5] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000300900&categorieLien=cid
[6] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068236
[7] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000173995
[8] Service Maritime et de Navigation du Languedoc-Roussillon, Schéma de mise en valeur de la mer : le bassin de Thau et sa façade maritime : rapport de présentation, SMNLR, 1993.