Le fonds d'archives du professeur Jules Euzière est structuré en deux parties : Archives de Jules Georges Euzière (227 J 1-168) et Archives familales, réunissant les archives provenant de la famille Euzière et des différentes familles alliées (227 J 169-181).
La première partie du fonds réunit ainsi les archives personnelles et professionnelles, la bibliothèque et quelques objets du professeur Euzière. Les Archives personnelles de Jules Euzière (227 J 8-47, 166, 168) sont peu nombreuses. Une autobiographie manuscrite (227 J 9) permet toutefois d'appréhender avec précision les années de jeunesse et l'environnement familial du professeur à la fin du XIXe siècle. Les archives scolaires de Jules Euzière (227 J 10-12, 166) permettent de retracer son parcours jusqu'à l'université, où l'apprentissage de la médecine et le début de ses recherches scientifiques sont relativement bien documentés, notamment grâce à sa thèse sur la prédisposition locale.
Dix ans après son service militaire en 1904-1905 (227 J 40), le professeur Euzière est mobilisé pour la guerre 1914-1918. Au sein de la XVIIe, puis XVIe région militaire, Jules Euzière relève nombre d'observations médicales précises sur les soldats victimes de commotions liées aux combats et à la violence de guerre. Il conserve dans ses archives non seulement des informations relatives à la vie quotidienne des patients soignés dans les hôpitaux de guerre (tels les concerts et représentations théâtrales, 227 J 43), mais également des dossiers médicaux de soldats dont il a la charge et dont il utilise les données médicales pour ses premiers articles scientifiques (227 J 44). C'est ainsi qu'au cours du conflit émerge peu à peu dans ses écrits contemporains la théorie de la "chute en statue", symptôme de perte d'équilibre liée à une déconnexion visuelle et mentale momentanée des soldats. Ce syndrome fait l'objet de photographies saisissantes et de publications spécialisées (227 J 44 et 227 J 142).
Les Archives professionnelles du professeur Jules Euzière (227 J 48-165, 167) constituent la seconde partie du fonds et réunissent l'ensemble de dossiers le plus volumineux.
L'activité libérale de Jules Euzière, au sein de son cabinet privé de la rue Marceau, n'est documentée que par quelques dossiers épars (227 J 164). En revanche, les très nombreuses expertises psychiatriques, demandées par la justice à l'occasion de procès, offrent une approche spécifique des faits divers de l'époque. Qu'il s'agisse de vols, de crimes passionnels, d'agressions et d'attitudes déviantes, le docteur Euzière analyse les prévenus et leur dangerosité pour la société. Ce sont autant de sources nouvelles pour l'étude de la justice des années 1930 aux années 1960 (227 J 86-95). Certains dossiers particuliers méritent d'être signalés, tel celui d'un mythomane convaincu d'être issu de lignée royale, accusé d'avoir détruit et falsifié des registres d'état civil ancien dans la salle de lecture des Archives départementales de l'Hérault en 1958 (227 J 99) !
Les archives professionnelles du docteur Euzière concernent toutefois principalement son activité publique au sein de la Faculté de médecine et des hôpitaux de Montpellier. Chef de service de la clinique des maladies nerveuses, puis médecin-chef de la clinique Saint-Charles, il dirige un certain nombre de recherches universitaires dans les années 1920 (227 J 107). Professeur de médecine, il rédige et dispense des cours de 1908 à 1913 (227 J 120), puis il reprend son enseignement dans les années 1940 jusqu'à sa retraite, alors que sa reconnaissance professionnelle est à son apogée (227 J 121-122). Doyen de la Faculté de médecine pendant plusieurs décennies, le professeur Euzière coordonne le développement de différentes chaires de spécialités médicales au sein de l'université de Montpellier (227 J 109), participe à des jurys nationaux de recrutement (227 J 112) et valide plusieurs travaux d'agrandissement : école de sages-femmes à la maternité de l'avenue Grasset (1927), Institut de Biologie (1933) et Ecole des infirmières hospitalières (1938). Le rôle de représentation du doyen de médecine apparaît également grâce aux nombreux discours prononcés lors de manifestations, lors de la remise des prix dans les lycées de la ville, lors de la réception du maréchal Pétain et de Franco à Montpellier en 1941 ou lors de la rentrée de la Faculté de médecine à la Libération en 1944 (227 J 113-114). De même, Jules Euzière organise ou participe à de nombreux congrès et colloques spécialisés à travers le monde, conservant dans ses archives toute la documentation afférente (227 J 115-119, 167).
Enfin, le savant s'illustre par les nombreuses conférences dispensées, soit dans le cadre des sociétés locales où il siège (telles l'Académie des sciences et lettres de Montpellier et la Société d'histoire de la médecine de Montpellier), soit dans des manifestations et congrès nationaux. Les conférences témoignent de la sensibilité du docteur Euzière et de l'intérêt qu'il porte au monde qui l'entoure : les sujets variés qu'il aborde - de la médecine spécialisée à l'histoire de la littérature, des arts ou des sciences en général - illustrent bien ses aspirations et ses idéaux, mais aussi parfois ses désillusions (227 J 123-131).
Dans le domaine médical, ses très nombreuses publications d'articles ou d'ouvrages spécialisés constituent d'intéressantes sources pour l'histoire du développement de la médecine pendant les deux premiers tiers du XXe siècle (227 J 132-155).
Très attaché à l'Histoire et à ses témoignages matériels, Jules Euzière a également conservé des souvenirs des différentes périodes de son existence. Il en est ainsi de la Première guerre mondiale (227 J 45-47) et de la Deuxième guerre mondiale (227 J 90). Sa collection d'archives politiques, réunissant de la documentation relative aux échéances électorales successives (227 J 94) et des coupures de presses liées aux événements contemporains (227 J 87), procède de cette logique et témoigne de son intérêt constant pour l'histoire contemporaine. Le doyen a également tenu à conserver des documents historiques et des articles de presse relatifs aux établissements médicaux qu'il a dirigés (227 J 164-165).
La correspondance passive du professeur Euzière (227 J 7-26) permet par ailleurs l'étude de son réseau de connaissances et d'amitiés, tissé tout au long de sa carrière.
La bibliothèque et la documentation de Jules Euzière formant la troisième sous-partie (227 J 50-95) reflètent fidèlement les préoccupations du doyen. Une partie de la bibliothèque a été donnée directement à la Faculté de médecine, mais ce qui subsiste - ainsi que la documentation - permet d'appréhender les centres d'intérêt du professeur Euzière. De très nombreux journaux, satyriques ou non, édités lors du premier conflit mondial (227 J 50-64) témoignent de l'importance que revêt l'expérience de guerre. De même, plusieurs ouvrages soulignent l'intérêt du doyen pour l'histoire locale, la littérature, la religion et bien d'autres thèmes. Enfin, il semble que Jules Euzière ait eu grand plaisir à dessiner : plusieurs dossiers conservent ainsi des esquisses ou des croquis griffonnés succinctement, tandis que la bibliothèque conserve toute une collection de dessins de modèles féminins (227 J 92).
Plusieurs meubles et objets sont également conservés parmi les archives du professeur Euzière. Outre une paire de lunettes (227 J 7), un cartonnier - ou meuble à archives - (227 J 1) et un dictaphone à cylindre de cire (227 J 2) témoignant de l'activité professionnelle de leur propriétaire, un phonographe à pavillon (227 J 3) illustre l'intérêt du docteur pour la musique. Un ensemble conséquent de médailles commémoratives - essentiellement médicales - a également été conservé (227 J 182-203). Enfin, Jules Euzière a conservé plusieurs souvenirs de guerre, glanés sur les champs de bataille : balles, éclats de projectiles et une fléchette d'aviation (227 J 4-5), fragments de pièces d'uniforme (227 J 6).
La seconde partie du fonds (227 J 169-181) est constituée par les archives de familles alliées à la famille Euzière. En 1915, lorsque Jules Euzière épouse la veuve du professeur Léon Gabriel Pélissier, doyen de la Faculté des lettres de Montpellier, il hérite des cours et recherches, publiés ou non, de cet éminent spécialiste de l'Italie (227 J 171-179). De même, un aïeul de son épouse n'est autre qu'Alexis Alquié, professeur à la Faculté de médecine de Montpellier, dont est conservé un registre de correspondance des années 1849 à 1861, permettant notamment l'étude de sociabilité de la bourgeoisie héraultaise.
Des soldats commotionnés de la guerre 1914-1918 aux criminels dangereux des années 1950, des spécialités médicales à une approche pluridisciplinaire de la médecine qui a fait la réputation du docteur Euzière, en passant par les préoccupations diverses et variées du professeur, ce sont autant d'aspects d'un seul et même homme, qui témoignent assurément de l'éclectisme de l'élite culturelle montpelliéraine de la première moitié du XXe siècle. En cela, le fonds du professeur Jules Euzière constitue un témoignage remarquable sur la médecine et les milieux médicaux montpelliérains du XXe siècle.