Sous le Second Empire, et plus particulièrement durant les années 1852 à 1860, la législation se durcit à l'encontre de la presse. Napoléon III entend la contrôler avec les décrets des 17 et 23 février 1852, qui obligent notamment à obtenir une autorisation du gouvernement pour fonder un journal et qui mettent en place une surveillance policière. En adoptant une neutralité politique la presse parvient néanmoins à un essor considérable et à échapper à la censure. L'impertinence et l'esprit critique se cultivent surtout dans des petites feuilles (Kopp).

En 1848, suite à une circulaire du ministère de l'Intérieur, le préfet de l'Hérault demande au maire de Sète qu'il lui adresse la liste des journaux politiques publiés dans le département. Il lui apprend ainsi « qu'il n'existe en ce moment aucune publication de journal dans notre ville. Deux journaux qui existaient ici il y a quelque tems ont cessé de paraître faute de ressources suffisantes et en présence de l'obligation d'un cautionnement » (ADH, 2 T 15).

La création et la diffusion du périodique « Le Rat » à Sète interviennent dans ce contexte. Il est déclaré au dépôt légal comme journal littéraire et apparaît dans les registres d'enregistrement à partir du 1er mars 1857 pour son sixième numéro. Les numéros précédents n'apparaissent pas en amont du registre, même s'il est indiqué qu'il s'agit du 3e envoi et de la suite de la collection. Par la suite les dépôts sont réguliers, toutes les semaines, et s'interrompent au 32e numéro, inscrit le 30 août 1857 (ADH, 2 T 24).

La dimension contestataire de cet hebdomadaire apparaît dans le choix du titre et des pseudonymes des rédacteurs. Ils sont directement inspirés de la fable de Jean de La Fontaine, « Le Combat des Rats et des Belettes ». Elle décrit le combat du peuple des rats contre la nation des belettes. Malgré le soutien d'Artapax, Psicarpax et Méridarpax, ceux-ci sont mis en déroute. L'étymologie de leurs noms est significative : voleur de pains pour le premier, de miettes pour le deuxième et de morceaux pour le dernier (Bassetti).

Artapax est également l'un des dessinateurs récurrents du journal. D'autres signent uniquement de leurs initiales, ce qui empêche de les identifier. Les gravures sont signées de Joseph Vons. Originaire d'Aniane, il obtient un brevet d'imprimeur lithographe pour exercer à Sète en juillet 1843. Le préfet appuie sa demande en expliquant au ministre de l'intérieur qu'il n'existe alors à Sète « qu'un établissement d'imprimerie en lettres et point d'imprimerie lithographique ». (ADH, 2 T 13).

Les registres du dépôt légal permettent de savoir que « Le Rat » est imprimé par Gabriel Bonnet. Il met également sous presse un autre journal sétois, dit littéraire, « Le Phare » (ADH, 2 T 24). Après plusieurs refus en 1831 il obtient d'abord ses brevets d'imprimeur en lettres et de libraire à Pézenas où il réside. En 1844 il est autorisé à les transférer pour installer son activité à Sète. En octobre 1859 un procès-verbal est établi pour le mettre en demeure d'utiliser son brevet de libraire. Le commissaire qui s'en charge explique alors au préfet qu'il a tardé à le faire « par condescendence pour M. Bonnet, dont la position est loin d'être heureuse. M. Bonnet avait successivement obtenu des ajournements et me faisait espérer qu'il pourrait exploiter son brevet, car il croit mettre ses affaires en meilleur état, et pourra, dit-il, disposer de ressources qui lui manquent quant à présent » (ADH, 2 T 10).

Entrée n°5474 (du 04/06/2013)

Cette série de gravures satiriques et humoristiques s'inspire des préoccupations quotidiennes au milieu du XIXe siècle : chasse, taille du costume de bain, préservation de la vertu des femmes et amour, justice, exposition universelle, médecine, éclairage public. Seul un des dessins fait directement référence à la politique par le biais du tirage au sort ayant eu lieu à Sète le 11 mars 1857 en vue des élections pour le renouvellement du corps législatif (9 Fi 374). Deux autres illustrations concernent plus particulièrement le journal qui les publie : l'une énumère ses rédacteurs sous des noms factices (9 Fi 361-362) ; l'autre évoque sa fin en titrant « Le départ du Rat » (9 Fi 357-358).

Dans quelques cas la lithographie en noir et blanc est accompagnée de sa version aquarellée et l'une est même accompagnée du dessin original à la mine. Les  gravures ont été réalisées par Joseph Vons, lithographe à Sète, pour la plupart d'après des œuvres du dessinateur qui signe Artapax.  

Robert KOPP. « Censure et littérature : quel cadre légal ? ». Revue des deux mondes, novembre 2016, p. 97-101. Disponible en ligne : https://www.revuedesdeuxmondes.fr/

Jean-Marc Bassetti. « Le Combat des Rats et des Belettes. Livre IV - Fable 6 ». Disponible en ligne : https://www.lafontaine.net