L'oeuvre de la Miséricorde est une confrérie hospitalière fondée peu avant 1643 et reconnue par l'évêque de Montpellier en 1658. Il s'agit alors de nobles dévotes qui s'assemblaient sous le nom de sœurs de la Miséricorde pour venir en aide aux pauvres de la ville. La confrérie comprend une mère (supérieure de la confrérie), une trésorière (responsable des finances), une garde-meubles (responsable des biens mobiliers destinés aux pauvres), et une à deux sacristaines pour le service de leur chapelle de l'église Notre-Dame-des-Tables. Ces charges étaient assumées annuellement à tour de rôle.

Leur action charitable prend la forme de distributions alimentaires dans les paroisses Saint-Pierre et Sainte-Anne, au moyen d'aumônes et legs acquis lors de quêtes. Elles préparent avec de la viande et du pain un "bouillon des pauvres" qu'elles amènent aux nécessiteux. Parallèlement, elles assurent un encadrement spirituel, avec pour aboutissement les derniers sacrements et les messes des morts. C'est une forme institutionnelle de la charité pieuse que l'Eglise encourage à cette époque, dans le cadre de l'affirmation de la contre-réforme.

Au XVIIIe siècle, l'action de l'oeuvre de la Miséricorde se développe davantage. Les différents registres et pièces justificatives mentionnent ainsi, en sus de l'approvisionnement régulier en denrées alimentaires, l'entretien d'une maison située dans la rue de la Monnaie avec une apothicairerie. Les appointements annuels de chirurgiens et de médecins et l'achat de meubles (literie et cuisine) et produits pharmaceutiques achèvent de définir le cadre d'un petit hôpital urbain à caractère religieux. A cela s'ajoute parrallèlement une diversification des activités. Dès 1753, une sœur supplémentaire dite sœur des pauvres prisonniers est chargée de veiller matériellement et spirituellement sur les détenus dans les différentes prisons de la ville. Grâce à une rente perpétuelle accordée en 1725, les sœurs constituent des dots pour des jeunes filles pauvres jugées "d'honneur et sans reproche ". Enfin une sœur responsable d'un bureau du travail, se charge plus spécifiquement à partir de 1744 d'acquérir des étoffes de linge et d'en faire des vêtements qui sont par la suite distribués aux nécessiteux.

La confrérie survécut à la Révolution, mais sous un autre nom et un autre statut. La loi du 27 novembre 1796 stipule que chaque ville doit se doter d'un bureau dit de Bienfaisance pour assurer le secours public auprès des indigents, à leur domicile, et autant que possible en nature. Etant donnée la similitude des activités, les deux noms d'hospice civil de la Miséricorde et bureau de Bienfaisance sont désormais cités conjointement dans tous les documents officiels à partir de 1799, et ce jusqu'en 1870. Désormais supervisées par une commission administrative relevant de la municipalité, les activités sont à la charge de sœurs "citoyennes" salariées, tout comme les médecins et chirurgiens chargés de pratiquer dans les différents quartiers de la ville.

Comme auparavant, la Miséricorde assume la charge de distributions en denrées alimentaires, sous l'appellation usuelle de soupes ou fourneaux économiques, et en médicaments. Mais la maison commence également à recevoir des orphelines, placées sous la direction d'une sœur particulière entre 1811 et 1822. Celle-ci les reçoit dans un dortoir et une école aménagés dans la maison de la rue de la Monnaie. Puis, suite à un legs important (la fondation Caizergues), un orphelinat pour jeunes filles est fondé en 1851, le long de la rue Saint-Vincent-de-Paul dans le faubourg de Boutonnet. Rapidement agrandi grâce à l'achat de propriétés adjacentes, il accueille par la suite désormais les enfants abandonnés de la ville, quel que soit leur sexe.

Après 1870, des lois sur l'assistance donnèrent aux bureau de Bienfaisance un nouvelle importance. En plus des attributions primitives énumérées plus haut, celui de Montpellier doit désormais veiller à l'application des principales lois dictées par la Direction de l'Assistance Publique du Ministère de l'Intérieur. Il s'agit de l'assistance aux enfants (loi 1889), de l'assistance aux vieillards et infirmes (loi 1905), et de l'assistance aux femmes en couches et familles nombreuses (loi 1913). Le bureau applique ces nouvelles notions, par le versement de certaines allocations et des distributions en nature, sans oublier l'héliothérapie (bains de mer) à Palavas pour les enfants pauvres. Toutes ces actions sont subventionnées au moyen du droit des pauvres prélevé sur les recettes des spectacles.

L'institution abandonne alors le nom d' "Œuvre de Miséricorde" pour ne plus garder que celui de "bureau de Bienfaisance". Elle est également contrainte d'abandonner certains aspects qui lui étaient propres auparavant, la loi du 5 août 1879 refusant toute ingérence du clergé dans l'administration des institutions hospitalières. De même, après plusieurs années de remise en question, les orphelins sont dirigés vers les écoles laïques à partir de 1898. Le bureau de Bienfaisance deveint bureau d'Aide sociale en 1963 puis Centre Communal d'Action Sociale en 1983. Les soeurs de la Miséricorde continuent néanmoins de tenir une apothicairerie qui ferme définitivement ses portes en 1959.

Malgré un caractère très composite et parfois inégal, le fonds laisse la possibilité de mieux appréhender les différentes étapes de l'évolution de cette institution hospitalière montpelliéraine à travers les siècles.

Les débuts de l'institution peuvent être étudiés grâce aux actes de fondations (12 HDT A1) et aux titres de propriété (12 HDT B 1-20). Mais la partie la plus considérable du fonds ancien concerne des documents de gestion. Elle se compose principalement de registres de comptabilité (12 HDT 1 E 1-81, 174). Ils contiennent des données précises pour appréhender l'action quotidienne de l'Œuvre de la Miséricorde. Les premières pages des registres présentent ainsi les différentes attributions de charges entre les sœurs, puis une comptabilité précise des denrées distribuées aux pauvres. Au fur et à mesure que les activités se développent, les renseignements se diversifient. Les archives montrent l'émergence dans le tissu urbain de la maison de la Miséricorde, située dans la rue de la Monnaie. Les pièces justificatives (12 HDT E 82-173) documentent bien les activités qui s'y déroulent. Une apothicairerie permet la distribution de drogues pharmaceutiques et médicaments. Les appointements annuels de chirurgiens et de médecins, l'achat et l'entretien de meubles (literie et cuisine), les sommes reversées à un père capucin pour desservir les chapelles des prisons sont autant de données chiffrées, de même que la quantité de tissus achetés pour fournir des vêtements aux nécessiteux. Certains registres sont très précis, comme par exemple sur les mariages auxquels les finances de cette institution ont contribué (12 HDT E 60 et 77), ou encore les distributions exceptionnelles à l'occasion d'épidémies (peste et choléra).

Après la Révolution, les soeurs continuent leurs activités charitables, adjoignant à leur nom celui de bureau de Bienfaisance. Elles y ajoutent l'accueil des orphelins, grâce à la fondation Caizergues en 1852 (12 HDT 1 N 9). Des plans aquarellés de la maison de la Miséricorde et de l'orphelinat du faubourg Boutonnet (12 HDT 1 N 9 et 2 O 3), montrent bien les bâtiments abritant les différentes activités charitables : la première comprend une salle de distribution et une cuisine, et l'autre des dortoirs, des salles de classe et de travail. Parallèlement les soeurs poursuivent leur mission d'assistance aux prisonniers de la maison d'arrêt de Montpellier. Le fonds conserve ainsi une série presque complète de listes nominatives des détenus, avec l'indication de leurs délits (12 HDT 1 P 20), donnant un autre éclairage sur les milieux carcéraux de l'an XII jusqu'à l'avènement de la IIIe République. La comptabilité de l'institution (12 HDT 1 P 1-20) permet de suivre son fonctionnement de plus en plus polyvalent, jusqu'en 1870, lorsque l'institution fut laïcisée et remaniée pour une gestion municipale.

ARCHIVES ANTERIEURES A 1790 : ŒUVRE DE LA MISERICORDE

Fondation de l'établissement : 12 HDT A 1

Titres de propriétés : 12 HDT B 1-20

Matières ecclésiastiques : 12 HDT C 1-2

Administration de l'établissement : 12 HDT E 1-174

ARCHIVES POSTÉRIEURES A 1790 : BUREAU DE BIENFAISANCE

Réglementation générale et locale : 12 HDT 1 J 1-2

Personnel : 12 HDT 1 K 1 - 3 K 1

Administration générale : 12 HDT 1 L 1-6

Comptabilité générale : 12 HDT 2 M 1-80

Capital et immobilisations : 12 HDT 1 N 1- 2 N 2

Travaux et matériel : 12 HDT 2 O 1- 4 O 1

Comptabilité de l'Economat : 12 HDT 1 P 1-13

Population : 12 HDT 1 Q 1

Service médical : 12 HDT 1 R 1

Cultes : 12 HDT S 1-3

Archives : 12 HDT 1 U 1

Divers : 12 HDT 1 Z 1

Série C : Intendance du Languedoc

C 559 : nouveau règlement de la confrérie de la Miséricorde (1724)

C 6328 : requête en vue de l'enregistrement de l'établissement de la Miséricorde (1772)

Série G : clergé séculier

G 1353 : actes concernant la création de la Miséricorde de Montpellier (1671)

G 1443 : relations à propos de la fondation de la Miséricorde (1707).

G 2005 : chapelle de la confrérie des dames de la Miséricorde dans l'église Notre-Dame des Tables (1659-1691)

Série Y : établissements pénitenciers

1 Y 230 : oeuvre de la Miséricorde et détenus (an XI-1859)

1 Y 239-243 : dossiers sur les détenus (an XII-1869)

1 Y 252 : oeuvres charitables dans les prisons (1809-1895)

ARCHIVES MUNICIPALES DE MONTPELLIER

Fonds du Bureau de Bienfaisance (1870-1963). Non classé en 2008.

Série J : réglementation.

Instructions générales, règlements pour le bureau de Bienfaisance (1870-1907).

Série K : personnel.

Correspondance et arrêtés de nominations pour la commission administrative (1871-1910), le corps médical (1873-1879) et les autres catégories (1880-1921)

Série M : financement (1827-1963)

Sous-série 1 M : Comptabilité générale. Instructions, titres de recettes, produits du travail des orphelines et du jardin (1827-1952)

Sous-série 2 M : Comptabilité du receveur. Comptes de gestion, journaux et procès-verbaux de vérification des comptes (1870-1951)

Sous-série 3 M : Hospitalisation. Frais et bons pour les bains de mer à Palavas (1906-1933)

Sous-série 5 M : Recettes des hospices. Livres de caisse, grands livres, livres de détails, produits des quêtes et des bals en faveur des pauvres (1872-1963).

Série N : capital, immobilisations

Sous-série 1 N : dotations, dons et legs. Testaments et correspondance (1876-1943).

Sous-série 2 N : titres de propriétés. Acquisitions, baux et travaux d'entretien (1875-1942).

Sous-série 4 N : polices d'assurance (1900-1940)

Série O : travaux et matériel

Sous-série 3 O : travaux d'entretien à l'orphelinat des garçons et au bureau de bienfaisance (1866-1940).

Série P : comptabilité de l'économat

Sous-série 1 P : Comptes d'exploitation. Registres de dépenses et recettes, adjudication de marchés alimentaires, carnets de magasin (1881-1961).

Série Q : population.

Sous-série 1 Q : Femmes en couche. Assistance et indemnités (1914-1941). - Orphelins. Recensements, admissions, correspondance et scolarité (1861-1941). - Indigents assistés à domicile. Admissions, répertoires et dossiers administratifs, enquêtes et carnets de distributions (1864-1957). - Sociétés de secours aux mères légitimes (1848-1907), aux grévistes (1936) aux familles et vieillards (1918-1940).

Série T : bibliothèque administrative.

Rapports de l'inspection générale des services administratifs (1886). - Instructions (1887-1941). Revues et ouvrages professionnels (1863-1941).

Documents historiques sur l'Oeuvre de la Miséricorde de la ville de Montpellier, Montpellier, F. Seguin, 1840, 40 p [ADH, BRA 699].

FABRE (François), L'assistance sociale à Montpellier en 1941, Montpellier, Union des Œuvres sociales de Montpellier, 1941 [ADH, CRC 542].

LEENHARDT (Albert), Charité montpelliéraine : la Miséricorde et le Bureau de Bienfaisance, Montpellier, Causse, Graille et Castelnau, 1936, 20 p. [ADH, BRA 715].

PALOUZIE (Hélène), "L'œuvre de la Miséricorde à Montpellier et le devenir des ensembles chapelles-apothicaireries de l'Hérault", Regards sur le Patrimoine Hospitalier, dir. A. Strasberg, Arles, Actes Sud, 2003, p. 171-181. [ADH, BIB 1046].

ROCHAIX (Maurice), Les questions hospitalières de la fin de l'Ancien Régime à nos jours, Paris, Berger-Levrault, 1996 [ADH, ARC 1268].

VAYSSETTES (Jean-Louis), "La collection de céramiques montpelliéraines de l'apothicairerie de la Miséricorde", Regards sur le Patrimoine Hospitalier, dir. A. Strasberg, Arles, Actes Sud, 2003, p. 183-191 [ADH, BIB 1046].