I. Archives de familles
Il s'agit des archives des lignées qui, par alliances successives, aboutissent généalogiquement à la famille Grasset-Morel de Lansargues. D'origines géographiques diverses, elles permettent l'étude d'une société de notables héraultais sur trois siècles (XVIIIe-XXe siècles).
1. Famille Grasset, puis Grasset-Morel
La partie la plus importante du fonds concerne Pierre Grasset-Morel (1908-1967). Ses archives personnelles permettent de suivre sa carrière en tant qu'expert ingénieur agronome à l'Inspection des Eaux et Forêts, avant sa détention à l'Oflag 17 A en Autriche (1940-1941). Délaissant la carrière administrative dès 1949, il s'illustre dès lors comme directeur de la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA). Les interventions au sein de congrès de la fédération, aboutissant à des propositions de lois, se multiplient dès son élection comme député de l'Hérault en 1958. Pierre Grasset-Morel s'investit alors dans le développement du cadre législatif dans le domaine agricole à l'échelle européenne (viticulture, marché commun, enseignement) (157 J 31- 41). Parallèlement, il participe à la fondation de la Compagnie Nationale d'Aménagement de la région du Bas-Rhône et du Languedoc, qui contribue à moderniser les équipements agricoles de cette partie du département. L'aboutissement le plus notable est l'aménagement du lac du Salagou en 1959 (157 J 34). Enfin, son engagement politique après sa défaite aux élections législatives de 1962 est documenté par son implication dans les campagnes pour le référendum de 1962 sur l'autodétermination de l'Algérie, les élections municipales de 1963, les cantonales de 1964-1965 et les élections législatives de 1967 (157 J 51). Ses nombreuses notes, dont certaines sont la base d'interventions politiques importantes, contribuent à mieux cerner la personnalité et les idéaux d'une personnalité politique forte des débuts de la Cinquième République dans l'Hérault.
Les archives relatives à l'érudit Louis Grasset-Morel (1843-1912) sont riches par leur variété. Outre le dossier d'adjonction du nom Morel au patronyme familial (157 J 4), on y trouve le manuscrit annoté de l'ouvrage "Lansargues : une villette de la baronnie de Lunel", un ensemble conséquent de notes prises au cours de ses recherches (notamment dans les fonds notariaux des Archives départementales), ainsi que plusieurs cartes annotées des sixains de Montpellier pour ses ouvrages historiques (157 J 7). La bibliothèque familiale, en grande partie conservée (157 J 8-17), permet de mieux saisir les centres d'intérêts de l'élite intellectuelle montpelliéraine de la fin du XIXe siècle. Enfin, l'investissement de Louis Grasset-Morel au sein de l'Œuvre du prêt gratuit de Montpellier (dont il contribue à rédiger les nouveaux statuts) illustre bien ses engagements philanthropiques.
Plusieurs dossiers de cette famille contiennent également des sources intéressantes pour l'histoire de la scolarité dans le département depuis le XIXe siècle jusque vers 1950. Les archives personnelles de Louis Grasset-Morel (lycée impérial de Montpellier, 157 J 4), d'Oswald (cursus primaire et secondaire, 157 J 19), puis de Pierre Grasset-Morel (études supérieures, 157 J 21) contiennent des copies, dictées, compositions et cahiers scolaires riches de renseignements sur l'évolution de la pédagogie et de l'enseignement.
2. Famille Bédaride
Plusieurs générations se succèdent à Aigues-Mortes pendant tout le XVIIIe siècle. Les archives de cette famille sont surtout relatives à l'histoire du développement de ce port. Ayant exercé la charge de consul de la ville, Antoine Bédaride a conservé dans ses archives professionnelles des copies de franchises, exemptions et privilèges de la ville remontant jusqu'au XVIe siècle (157 J 63). Ses descendants héritent de la charge de garde des salins de Peccais : les archives familiales comportent des registres de comptabilité illustrant la gestion quotidienne et les travaux entrepris sur ce domaine royal (157 J 63, 68 et 72) avant que Pierre Bédaride ne décide de se consacrer à la gestion foncière de ses domaines à Lansargues après la Révolution. Les archives personnelles cette famille, riches en comptabilité domestique et correspondance (157 J 65-70), constituent une source importante pour l'étude de la vie quotidienne à Aigues-Mortes et Lansargues avant et après la Révolution française.
3. Famille Chaix
Les premiers membres de cette lignée sont originaires de Briançon (Hautes-Alpes). Ils exercent les fonctions de lieutenant de Villard-Saint-Pancrace à la fin du XVIIe siècle (157 J 76), puis d'avocat au bailliage de Briançon et capitaine des milices briançonnaises (157 J 76-77). Jean-François Marie Barthélémy Chaix, officier au régiment de Saintonge, devient à la Révolution commissaire de la municipalité de canton de Villard-Saint-Pancrace, avant d'être nommé sous-préfet de Briançon en 1800. La chute de l'Empire oblige son fils Barthélémy-Emile Chaix à émigrer en Louisiane pendant une trentaine d'années (157 J 85), avant de revenir s'installer à Montpellier où sa fille épouse Louis Grasset.
4. Famille Vedel
Les archives de cette famille couvrent plusieurs localités du Gard pendant le XVIIIe siècle. Les ancêtres de Gabriel Vedel - qui s'établit à Lansargues après une carrière d'avocat au Parlement de Toulouse (157 J 85) - ont assuré des charges importantes dans plusieurs localités : capitaine de la ville d'Aspères (157 J 81), de prieur de Saint-Martin de Corconac (157 J 84), ou encore de Curé de Foix en Ariège (157 J 83). Le fonds illustre parfaitement la mobilité qu'autorisent les carrières juridiques et ecclésiastiques sous l'Ancien Régime.
5. Famille Morel
Pierre, le plus ancien membre de la famille, était chirurgien du bureau de charité de Lansargues dès 1736 : sa comptabilité professionnelle énumère avec une grande précision tous les soins (saignées notamment) administrés aux familles du village pendant deux décennies (157 J 90). Son fils homonyme exerce quant à lui les fonctions de greffier et garde des archives de Lansargues : plusieurs procédures contre les consuls, et un récolement en date de 1772, montrent bien l'importance accordée aux documents officiels de la ville à la fin du XVIIIe siècle (157 J 91). Il est à noter que plusieurs pièces d'archives publiques importantes (délibérations consulaires), extraites des archives communales dans ce contexte professionnel, ont été réglementairement réintégrées dans la sous-série 127 EDT (archives communales déposées de Lansargues). Mais la partie la plus importante de ces archives familiales concerne le baron Joseph Pierre Dominique Guillaume Morel. Né en 1763, il fait sa première campagne dans l'armée des Pyrénées orientales en 1793-1795. Après avoir servi en Italie sous les ordres de Napoléon Bonaparte, il est promu colonel du 25e régiment d'infanterie légère en 1805, avant d'obtenir le titre de baron de l'Empire en 1808. Toute sa carrière militaire est bien documentée : en plus de ses titres et décorations (157 J 92-93), ses archives professionnelles comptent des registres de garnison, de la correspondance avec sa hiérarchie, des instructions, ainsi que des cartes et plans de plusieurs places fortes occupées pendant ses campagnes (157 J 95-97). Il s'agit d'une documentation précieuse pour l'histoire militaire des périodes révolutionnaires et impériales. Les archives de son frère Fulcrand Morel illustrent quant à elle, parfois avec beaucoup de précisions, les différents aspects de la vie d'un pharmacien de Lansargues de la première moitié du XIXe siècle (157 J 98 et 99).
6. Famille Granier
Cette famille, constituée principalement de propriétaires fonciers aisés, se distingue notamment par un prêt accordé aux consuls de la ville de Lansargues en 1730 afin de procéder à la construction de l'église du village (157 J 102). Fulcrand Granier est quant à lui connu comme fermier des terres relevant de la commanderie de Saint-Christol, de l'ordre de Malte : ses archives professionnelles montrent bien le lien pouvant exister entre l'économie agricole locale et l'ordre militaire actif en méditerranée (157 J 103).
7. Famille Servière
Les archives de la famille Servière se distinguent par la qualité des informations qu'elles contiennent. Ainsi les lettres adressées par Guillaume Servière fils à son père homonyme pendant son service militaire nous donnent une description presque quotidienne de la campagne de Catalogne en 1793 (157 J 105). De même, la correspondance passive de Guillaume Servière père alors qu'il exerce sa charge de juge de paix de Lansargues (157 J 105) est une illustration du quotidien pendant les années révolutionnaires.
8. Autres familles non directement rattachées
Parmi les archives apparemment non liées à l'histoire généalogique des Grasset-Morel, figurent notamment un volume du chartrier de la famille Lacroix de Castries (157 J 108), des lettres de bourgeoisie de Perpignan de 1636, plusieurs décorations militaires et des pièces de procédures éparses (157 J 109).
II. Archives du domaine de la Chicanette
Les archives foncières de famille concernent des biens situés dans plusieurs communes de l'est de l'Hérault : Lansargues, Vendargues, Mudaison et Lunel-Viel. Le cadre de classement adopté reproduit la construction progressive d'un capital immobilier jusqu'à son état actuel.
Depuis le XVIIIe siècle, chacune des familles a ainsi constitué et exploité un patrimoine qui, par une politique foncière d'achats, de ventes et d'échanges, s'est progressivement concentré à Lansargues, formant le domaine dit "de la Chicanette". Les titres de propriétés, les documents relatifs aux travaux et modifications apportés aux bâtiments, ainsi que les archives de gestion et d'exploitation permettent d'apprécier les apports respectifs des générations antérieures à la famille Grasset-Morel, qu'il s'agisse des familles Servière (157 J 110), Granier (157 J 111), Morel (157 J 112-115), Vedel (157 J 116), Bédaride (157 J 117-118), et Grasset (157 J 119-120).
Les sources relatives à l'exploitation du domaine par la famille Grasset-Morel, sont nombreuses (157 J 121-145). Elles conservent les traces de l'évolution agricole du département sur près d'un siècle, depuis des mentions de la crise de 1907 jusqu'à la mécanisation progressive de l'outillage, sans oublier le recours à un personnel saisonnier d'origines géographiques diverses dès la fin du XIXe siècle. L'aboutissement de ce développement est la modernisation du domaine assurée par Pierre Grasset-Morel qui, en tant qu'ingénieur agronome, met en œuvre les avancées techniques les plus récentes de son époque pour valoriser un domaine viticole héraultais.