Philomen Mioch (1903-1990) et Carmen Rose Antonio-Mioch (1914-1995)
Philomen Siméon Marcellin Mioch naît le 18 février 1903 à Florensac. Il est le cinquième enfant de Marius Alexandre Mioch, ouvrier agricole, et de Marie-Claire Philomène Roux.
Philomen Mioch appartient à toute une lignée d'ouvriers agricoles, son arrière-grand père et son grand père l'étaient déjà. Vivent avec lui au foyer sa soeur Rose, son frère François et Hermine, la cadette. L'aîné, Pierre, et une autre soeur, Annette, sont morts en bas-âge.Toute la famille travaille à la vigne, le père, depuis l'âge de 10 ans et la mère, depuis l'âge de 9 ans. Philomen et son frère François fréquentent l'école publique de Florensac, où ils sont bons élèves, mais François quitte l'école avant d'obtenir le certificat d'études, pour aller travailler à la vigne.
Philomen s'engage tôt dans le syndicalisme, avec le soutien de son oncle et de ses amis socialistes. Il s'attaque à la lutte contre le chômage. Avant le départ au régiment de son frère aîné François, Philomen parcourt avec ce dernier, en pleine guerre, les grandes
"colles" en période de sulfatage pour faire passer la journée de travail de 7 heures à 5 francs par jour. François, de retour de la guerre de 1914-1918, devient l'animateur du syndicat des ouvriers agricoles (il le reste jusqu'en 1933). En 1926, François obtient une augmentation du salaire journalier des ouvriers agricoles contre l'un des plus gros propriétaires du midi viticole, le baron de Vulliod. Philomen Mioch, quant à lui, rejoint le parti communiste en 1924, auquel il adhère à son retour de service militaire effectué en Syrie au sein du 22e régiment d'infanterie coloniale (22e RIC). Il crée les Jeunesses communistes à Florensac, entre à la première école créée par le parti au Martinet (Gard) et dirigée par André Ferrat. Il lit beaucoup, essentiellement les théoriciens Marx et Lénine, et participe aux réunions régionales du parti. Il poursuit sa formation militante, prend de nombreuses notes, apprend à parler en public. En 1932, après sa participation au comité central, lors du VIIe congrès du parti communiste, le parti lui propose de se rendre à Moscou pour suivre les enseignements de l'école léniniste. Il part clandestinement, muni d'un faux passeport et suit les cours sous le pseudonyme de Célestin Bertomieu. A son retour en France, fin février 1934, Philomen Mioch est désigné par Maurice Thorez pour combattre Jacques Doriot, député-maire de Saint-Denis. Mais il s'épuise sous les sollicitations et préfère rentrer dans son village natal. Il se présente à plusieurs élections en 1936 et 1937, dans des secteurs où le parti communiste est mal implanté (Limoux, Mèze). A partir de 1936, en tant que secrétaire régional du parti communiste (il est alors membre suppléant du Comité Central du parti), il consacre son activité à l'Espagne républicaine. C'est à ce moment qu'il rencontre sa future épouse, Carmen Antonio (1914-1995), dont le frère aîné est parti comme volontaire dans les Brigades internationales (Joseph Antonio-Rucosa meurt le 25 décembre 1936 dans les combats de Madrid) et l'autre frère a tenté de rejoindre l'armée de l'Etat catalan. Philomen Mioch et Carmen Antonio se marient en février 1937 et leur première fille naît en décembre de la même année. Au congrès d'Arles en décembre 1937, Philomen n'est pas reconduit au Comité Central. Le 2 septembre 1939, il est mobilisé au sein du 5e régiment d'infanterie coloniale (5e RIC) ; Philomen stationne avec son unité sur la Ligne Maginot, en avant de Merlebach (Moselle), et écrit tous les jours à sa femme, profitant de cette correspondance pour apprendre l'espagnol.
Mais après la débâcle, en juillet 1940, il est à nouveau de retour à Florensac. C'est le moment où il entre dans la Résistance. Avec son épouse Carmen, des cousins et des communistes, il distribue des tracts. En 1942, il est arrêté avec son frère François, leurs biographies rédigées par le parti communiste ayant été découvertes à Sète chez un autre communiste arrêté également, Pierre Arraut. François et Philomen comparaissent devant le tribunal militaire spécial de Montpellier et sont condamnés à 8 ans de travaux forcés, à la suppression de leurs droits civils et politiques et à la confiscation de leurs biens. Ils sont incarcérés dans la prison de la 32e, à Montpellier, puis à Lodève, au camp de Mauzac (Dordogne) et à la prison centrale du Puy-en-Velay (Haute-Loire). Pendant sa captivité, Philomen entretient une longue correspondance avec son épouse.
Une première tentative d'évasion le 25 avril 1943, à laquelle ne s'est pas joint François, échoue (sur les 26 évadés, 17 sont repris - parmi lesquels Philomen - avec certains de leurs libérateurs). La deuxième évasion de la prison du Puy-en-Velay le 1er octobre 1943 concerne cette fois-ci tous les prisonniers politiques ; elle a été minutieusement préparée par la Résistance qui a tiré les enseignements de la première tentative. Philomen et François Mioch font partie de cette opération et parviennent à s'évader de la prison du Puy-en-Velay ; désormais, le chemin des deux frères se sépare.
Philomen Mioch rejoint le maquis Gabriel Péri en Auvergne. Il fonde, avec des déserteurs allemands, des Yougoslaves, des Luxembourgeois, le maquis Guy Môquet et, sous le pseudonyme de Commandant Titin Clavel, participe à la libération de Thiers. Puis il rejoint sa femme Carmen, lieutenant FTPF, dans le Lot-et-Garonne. A la Libération, le couple regagne l'Hérault. Au printemps 1945, Philomen Mioch apprend la mort de son frère François au camp de Mauthausen (Autriche). En juillet, la CGT l'envoie aux Etats généraux de la Renaissance française à Paris et il participe au premier défilé du 14 juillet après la Libération. Le couple Mioch a une seconde fille en octobre 1945, puis une troisième en 1948.
Au cours des années suivantes, Philomen Mioch s'occupe du monde agricole, pour la CGT et la Confédération générale agricole. Il est administrateur de la Mutualité sociale agricole. Pour le parti, il est également membre du Comité de section de Montpelllier, du comité fédéral, puis président de l'Amicale des vétérans du PCF de l'Hérault. Après avoir milité pour la mise en place de la Sécurité sociale, il en devient salarié en 1948. Il est élu représentant du personnel CGT, puis membre du conseil d'administration de la Caisse de Retraite
des Vieux Travailleurs salariés et de la Caisse d'allocations familiales Montpellier-Lodève en 1950 (il deviendra Vice-Président de cette dernière). Son combat s'adresse toujours aux plus démunis et aux plus faibles, il lutte aussi pour les droits des "vieux", au sein de l'Union des Vieux de France, dont il est le président départemental. Il prolonge ces actions en tenant une rubrique "Lois sociales", dans Le Travailleur du Languedoc. En 1985, il est décoré de l'ordre national du Mérite par le Professeur Jacques Roux.
Philomen Mioch, alors immobilisé par la maladie, rédige dans les années 1960, sur les conseils de son médecin, ses souvenirs sur des cahiers, qui sont publiés en 1984 sous la titre "Les tribulations d'un ouvrier agricole".
Carmen et Philomen Mioch, s'établissent dans l'Aude, à Marcorignan. Philomen décède le 17 novembre 1990 à Narbonne, tandis que son épouse décède le 18 juin 1995 dans la même ville.
François Mioch (1898-1945)
François Marcellin Mioch nait à Florensac le 22 décembre 1898. Bien que bon élève, il doit quitter tôt l'école pour aller travailler chez un maraîcher. A 15 ans, il gagne son premier salaire comme ouvrier agricole.
Dès avant sa mobilisation en 1918, il est préoccupé par la situation précaire des ouvriers agricoles ; il devient l'animateur du Syndicat des ouvriers agricoles en 1921 (et le reste jusqu'en 1933). François Mioch entre au parti communiste en 1924 en reconstituant la cellule de Florensac, et prend des responsabilités régionales et nationales. En 1925, il est élu conseiller municipal de Florensac sur une liste qui comporte des socialistes et sept communistes.
Lors de la grève de 1926, François Mioch dirige la délégation ouvrière face à son patron, un des plus importants viticulteurs de la région et obtient gain de cause, en faisant payer 8 heures la journée de 7 heures.
En 1928, il est candidat du parti communiste à Lodève, puis en 1932 dans la 1e circonscription de Béziers. Membre fondateur du Travailleur du Languedoc, il est en 1933 membre de la section agraire du comité central du PCF à Paris, puis secrétaire de la Confédération générale des Paysans Travailleurs (CGPT), où il travaille à des réformes sociales intéressant la paysannerie. Il sillonne la France à la rencontre des paysans pour parler fermage, métayage, calamités agricoles, retraite, lois sur le blé, sur le vin. En 1936, il devient rédacteur en chef de La Terre, journal communiste des paysans, dont il est le membre fondateur avec Waldeck Rochet. Dans ses articles, il dénonce les injustices, les saisies, le chômage, la faiblesse du monde ouvrier agricole face aux patrons des domaines viticoles. Il déclare "travailler à l'amélioration du sort des ouvriers agricoles et des paysans pauvres, lutter contre l'égoïsme de la grosse propriété, du patronat" (défense présentée aux juges de la section spéciale du tribunal militaire de Montpellier le 19 mai 1942). Après la Débâcle, il est de retour à Florensac alors que le parti communiste a été dissous. Il reprend néanmoins ses activités de militant dans la Résistance jusqu'au jour où il se fait arrêter par la police judiciaire de Montpellier. Avec son frère Philomen et leur camarade Jean Roux, arrêté avec eux à Florensac, il comparaît devant la section spéciale du tribunal de Montpellier et est condamné à 8 ans de travaux forcés ainsi qu'à la suppression de ses droits civils et militaires. Il suit ensuite le même parcours que Philomen : emprisonnement à Montpellier, Lodève, Mauzac, Le Puy-en-Velay et évasion de cette dernière prison le 1er octobre 1943. François rejoint ensuite le maquis Wodli en Haute-Loire où il est lieutenant FTPF, sous le pseudonyme de Lieutenant Paul. Il est également chargé par le Parti communiste clandestin du contact avec les ouvriers agricoles. Arrêté par la Milice le 10 mai 1944 à Saint-Etienne, il est incarcéré au fort Montluc, à Lyon, où il subit la torture, puis est interné à la prison Saint-Paul, à Lyon. Le 29 juin 1944, François Mioch fait partie d'un convoi à destination du camp de Dachau. Transféré de Dachau vers Mauthausen, il travaille dans les carrières, puis à l'usine de chars du camp annexe de Saint-Valentin. Il décède le 9 janvier 1945, probablement du typhus.
Le 22 août 1944, le Comité de Libération de Florensac désigne François Mioch, malgré son absence, aux fonctions de maire. François Mioch est décoré de la Légion d'Honneur à titre posthume.
Joseph Antonio-Rucosa [José Anton] (1910-1936)
Joseph Antonio est le fils de José Anton (né le 3 janvier 1882 à Barcelone et mort en 1943 à Barcelone), boulanger, et de Carmen Rucosa-Masferrer (née le 7 décembre 1881 à Barcelone et décédée le 27 janvier 1960 à Montpellier, Hérault).
Ses parents quittent Barcelone en 1907 pour Marseille. A la suite d'une grave maladie de son père en 1919, Joseph Antonio revient à Barcelone avec ses deux frères et sa sœur née à Marseille. Le plus jeune de ses frères meurt quelques mois après son arrivée à Barcelone. Joseph Antonio, ainsi que son frère Emile et sa sœur Carmen sont pensionnaires de la Maison de Charité de Barcelone avant d'aller travailler dès l'âge de 11 et 12 ans. Joseph et Emile font de fréquents séjours entre Barcelone et Béziers, avant de s'installer définitivement en France lors de la venue de leur sœur et de leur mère vers 1930.
De grande taille (près de 2 mètres) et sportif, Joseph Antonio gagne régulièrement les courses de garçon de café à Béziers ; il est naturalisé par décret du 13 mai 1936.
Joseph Antonio s'engage comme volontaire en Espagne républicaine le 3 octobre 1936. Combattant dans les Brigades internationales, il est tué le 25 décembre 1936 dans le secteur de Majadahonda. Les lettres qu'il envoie à sa famille sont celles d'un militant communiste, mais il n'existe aucune preuve d'une adhésion formelle au parti communiste.
Joseph Antonio est le frère de Carmen Antonio-Mioch.