Famille Sabatier
Le premier membre connu de la famille Sabatier est un certain Guillaume Sabatier [I 1], originaire de Montpellier, qui fait son testament le 30 avril 1617. De son union avec sa première épouse, Françoise Durant, il a au moins quatre enfants : Pierre Sabatier [II 1], qui suit, Mathieu Sabatier [II 2], Ysabeau Sabatier [II 3] et Françoise Sabatier [II 4]. De sa seconde union avec Marie Rouquet, il ne semble pas qu'il ait eu de descendance.
Pierre Sabatier [II 1], notaire royal à Montpellier de 1613 à 1656, décédé avant 1665, épouse Marguerite Salgues dont il a au moins deux fils : Guillaume Sabatier [III 1], mort avant 1693, et Antoine Sabatier [III 2] qui suit. Catholique et fidèle au roi Louis XIII, il se tient et instrumente ses actes à l'extérieur de la ville d'avril à octobre 1622, du fait de la révolte des protestants montpelliérains et du siège de la cité par l'armée royale.
Antoine Sabatier (1631-1712) [III 2] épouse Marguerite Didier (1632-1706), fille de Pierre Didier et de Jeanne Clauzelle, décédés avant 1666. De leur mariage naissent au moins deux enfants : Guillaume Sabatier [IV 1] qui suit et Jeanne Sabatier (morte en 1693) [IV 2], épouse de François Campan et mère de Magdelaine Campan.
Guillaume Sabatier (ca 1667-1747) [IV 1], avocat, épouse en 1691 Marguerite Mouton, fille de Pierre Mouton et Marguerite Montaud. De leur union naissent neuf enfants : François Sabatier [V 1] qui suit, Antoine Sabatier (1692-1709) [V 2], Jean Sabatier (1701-1788) [V 3] qui suivra, Marthe Sabatier (1702-1751) [V 4], Joseph Sabatier, né en 1703 et vivant en 1747 [V 5], Anne Sabatier, née en 1707 et vivante en 1747 [V 6], Jean-Baptiste Sabatier, prêtre de l'Oratoire (1710-1795) [V 7], Marie Sabatier (1711-1742) [V 8], épouse de Jean André Daché et mère de Marie-Thérèse Daché, et Jean-Étienne Sabatier [V 9].
François Sabatier (1691-1739) [V 1] épouse Magdelaine Nissole. De ce mariage naissent Guillaume Sabatier [VI 1], François Sabatier [VI 2] et Jean Sabatier [VI 3], docteur en médecine, vivant en 1788, qui épouse en 1765 Jeanne Vernède.
Jean Sabatier (1701-1788) [V 3], négociant en draps à la tête de la maison Jean Sabatier et fils, fournissant les lits militaires de l'armée royale, épouse Jeanne Pomier (1712-1801). De cette union naissent Guillaume Sabatier (1730-1808) [VI 4] qui suit, Marie Sabatier (1739-1818) [VI 5], épouse de Jacques-Guillaume Sabatier (mort en 1808), sans postérité, Jean-Baptiste Sabatier (1741-1786) [VI 6] qui suivra, Marie-Fortunée Sabatier (1750-1825) [VI 7], religieuse au couvent de la Visitation Sainte-Marie à Paris, et 12 autres enfants morts en bas âge.
Guillaume Sabatier (1730-1808) [VI 4], banquier et négociant à Paris, devient notamment administrateur de la Compagnie des Indes orientales en 1785 et fermier général du Languedoc. Ses multiples activités lui permettent de s'élever à la tête d'un véritable empire financier grâce auquel il est en mesure d'acquérir en 1791, à la faveur de la vente des Biens Nationaux, les domaine et château d'Espeyran dans le Gard, auparavant propriété de l'abbaye de Saint-Gilles, ainsi que le domaine de Maurin et des Aresquiers, dans la commune de Lattes (Hérault). Emprisonné sous la Terreur comme bien d'autres fermiers généraux et financiers de l'Ancien régime, il ne doit son salut qu'à l'intervention de son cousin Jean-Jacques Régis de Cambacérès (1753-1824), futur rédacteur du Code civil. La Révolution ne sonne pas le glas de sa carrière, bien au contraire. Après la chute de Robespierre, il poursuit ses activités bancaires sous la Convention thermidorienne, participe au rachat de la Compagnie des mines d'Anzin sous le Directoire et devient sous le Consulat l'un des premiers actionnaires de la nouvelle Banque de France, où il obtient un siège de censeur en 1800, dont il démissionnera en 1803. Il s'éteint en 1808, dans son château d'Ors à Châteaufort dans les actuelles Yvelines. Il est le premier de sa famille à donner au nom des Sabatier une envergure véritablement nationale, dépassant son rayonnement languedocien. De sa relation avec Jeanne Baudin Dalogny/d'Alogny (par la suite baronne Lavabre), il laisse un fils naturel, Auguste (dit Augustin) Sabatier (1785-1813) [VII 1], dont il reconnaît la paternité en 1808. Augustin hérite de la moitié de la fortune de son père en 1808, mais meurt cinq ans plus tard sans postérité, laissant ses biens à sa mère. La seconde moitié de la fortune de Guillaume Sabatier va à ses deux soeurs cadettes, Marie, habitant à Montpellier, et Marie-Fortunée, résidant à Paris, qui elles-mêmes la lègueront à leurs trois petits-neveux Frédéric, Félix et François Sabatier.
Jean-Baptiste Sabatier (1741-1786) [VI 6], frère cadet de Guillaume, resté à Montpellier, prend la tête de la maison paternelle Sabatier et fils. La quarantaine passée, toujours célibataire, il tombe amoureux d'une comédienne versaillaise en tournée avec sa troupe dans le Midi, Marie-Jeanne Bedeau, dite la Montainville (plus tard épouse de Charles Corréard, établi à Marseille). De leur liaison naît le 7 septembre 1785 un enfant naturel, Jean-Baptiste Félix [VII 2], qui suit. Quelques mois plus tard, Jean-Baptiste meurt de maladie, sans avoir reconnu le fils que lui a donné Marie-Jeanne Bedeau, soit qu'il n'ait voulu, soit qu'il n'ait pu le faire sous la pression de sa famille.
Jean-Baptiste Félix Sabatier [VII 2] dit Félix, baptisé le 8 septembre 1785 en l'église Notre-Dame-des-Tables de Montpellier, naît donc officiellement de parents inconnus et ne reçoit aucun nom de famille. Il est cependant élevé par sa grand-mère, Jeanne Sabatier, née Pomier, sa tante Marie Sabatier [VI 5] et son oncle Jacques-Guillaume Sabatier. Il faut attendre la Révolution et la loi du 12 brumaire an II sur les enfants naturels et leur admission à la succession paternelle pour que le petit Félix soit reconnu comme né de la liaison de Jean-Baptiste Sabatier et de Marie-Jeanne Bedeau. Sa mère intente en effet une action dans ce but au cours de l'an III et obtient gain de cause en produisant une série de douze lettres que lui avaient adressées le défunt et qui attestent de leur relation. Félix peut dès lors prétendre à la succession de son père et de tous ses autres parents paternels (cf. 2 J 140). Il grandit à Montpellier dans sa famille qui paraît d'autant mieux le traiter qu'il s'avère être le seul descendant de la dynastie, hormis son cousin germain Augustin Sabatier, lui aussi né hors mariage. Parvenu à l'âge adulte, il reprend les activités bancaires et commerciales des Sabatier du Languedoc et acquiert en 1816 du comte Jean Charlemagne Meynier de Lasalle le domaine viticole de La Tour de Farges à Lunel-Viel (cf. 2 J 108 et 2 J 352). Il gère, semble-t-il, les affaires de sa tante Marie Sabatier, veuve en 1808 et aveugle, héritière pour le quart de la fortune de son frère Guillaume Sabatier de Paris et en cette qualité propriétaire des domaines d'Espeyran et de Maurin. À l'été 1814, peu après la restauration de la Monarchie, Félix entreprend un voyage à Paris et consigne dans un carnet le trajet emprunté en berline depuis le Languedoc jusque dans la capitale et toutes ses dépenses une fois sur place (cf. 2 J 250). Féru de langues et de littératures de l'Antiquité, il apprend le grec ancien en autodidacte et se dote d'une riche bibliothèque.
Un projet de mariage entre lui et une certaine Clémentine Clément voit le jour en 1809. Si la religieuse Marie-Fortunée Sabatier, sa tante, soutient celui-ci, son autre tante de Montpellier s'y oppose (cf. 2 J 151) et Félix convole finalement en noces en 1812 avec Aglaé Jeanne Sainte-Hermine Fournier de Servant (1793-1866), dite Hermine, fille de François Fournier de Servant (1728-1793) et de Jeanne Élisabeth Étienne Roque (1761-1839), originaires du Lunellois. De cette union naissent quatre fils : Guillaume Jean-Baptiste Marie Frédéric Sabatier (1813-1864) [VII 1], dit Frédéric Sabatier d'Espeyran, qui suivra, Jean-Baptiste Marie Fortuné Sabatier (1814-1816) [VII 2], dit Fortuné, Marie Michel Jean Félix Sabatier (1816-1894) [VII 3], dit Félix, et Marie Jean-Baptiste François Sabatier (1818-1892) [VII 4], dit François, qui suivront.
Jean-Baptiste Félix Sabatier meurt prématurément en 1818, à l'âge de 33 ans (on dispose de son rapport d'autopsie, cf. 2 J 140) , quelques mois avant sa tante Marie Sabatier, laissant sa veuve Hermine tutrice de ses trois fils survivants.
Frédéric Sabatier [VII 1] et ses deux frères cadets Félix [VII 3] et François [VII 4], orphelins de père, font l'objet de toutes les attentions de leurs parents. Quelques mois après le décès de Jean-Baptiste Félix, leur grande-tante Marie Sabatier institue pour son héritier universel Frédéric, dont elle est la marraine, et lègue 150 000 francs à ses deux autres petits-neveux (cf. testament du 24 juillet 1818, coté 2 J 153). La religieuse Marie-Fortunée Sabatier institue à son tour le 19 octobre de la même année pour ses légataires universels les trois enfants, chacun pour un tiers (cf. 2 J 162). Un conseil de famille tenu en 1818 attribue dans un premier temps la tutelle des trois frères mineurs et la gestion de leurs biens à leur mère, Aglaé Jeanne Hermine Fournier de Servant. Celle-ci s'en défait toutefois en 1827, année de son remariage à Paris avec le vicomte Charles Meynier de Lasalle. Leur grand-oncle maternel, l'abbé Jean Antoine Frédéric Roque (1762-1843), chanoine honoraire de la cathédrale de Montpellier, l'assume alors pendant un an, avant de la laisser à sa soeur, Jeanne Élisabeth Étienne Roque (1761-1839), veuve Fournier de Servant, leur grand-mère. Les trois jeunes Sabatier reçoivent la meilleure éducation qui soit pour de jeunes bourgeois fortunés en effectuant leur scolarité dans de grands pensionnats privés catholiques des années 1820-1830, de France ou de Suisse : au petit-séminaire Saint-Louis d'Aix-en-Provence, au collège jésuite Saint-Michel de Fribourg, au collège de Brigue, au collège de Montolieu, à l'école Saint-Raymond et François Ier de Toulouse, à l'institution Landry et au collège Stanislas à Paris notamment. C'est là qu'ils acquièrent une éducation classique, reposant entre autres sur l'étude du latin, du grec ancien, de la grammaire et de la rhétorique, de l'histoire et de la philosophie, de la religion chrétienne, de l'anglais et de l'allemand, des mathématiques et des sciences (cf. 2 J 301).
Devenus tous les trois majeurs, Frédéric, Félix et François se répartissent les biens provenant de la succession de leur père et de leurs deux grandes-tantes au début des années 1840. À Frédéric échoit notamment les domaine et château d'Espeyran, toponyme qu'il accole désormais à son patronyme (ses descendants porteront le plus souvent le nom de Sabatier d'Espeyran), tandis que Félix reçoit le domaine de Maurin et des Aresquiers et que François se voit attribuer celui de la Tour de Farges.
Frédéric épouse en 1845 Marie Claire Léonie Félicie Durand (1819-1899), dite Félicie, fille de François Louis Auguste Durand, banquier, et de Marie Louise Augustine Durand. Il s'agit d'une alliance de choix, la famille Durand ayant donné un député de l'Hérault à la Chambre sous la Seconde Restauration en la personne du grand-père paternel de Félicie, Marie Jacques Durand, élu en août 1815 et créé baron par Louis XVIII en 1816. De cette union naît un fils unique, Félix Guillaume Sabatier d'Espeyran (1850-1938) [IX 1], dit Guillaume, qui suivra.
Félix Sabatier n'est pas en reste : il se marie avant son frère aîné, dès 1842, avec Marie Augustine Granier (1822-1898), fille de Guillaume Zoé Granier (1788-1856), maire de Montpellier en 1830-1831, puis de 1833 à 1844, et député de l'Hérault durant toute la Monarchie de Juillet. Ce mariage de raison avec l'héritière d'une riche famille de drapiers et de banquiers lui permet de s'installer dans le luxueux hôtel de Lunas, résidence montpelliéraine de la famille Granier et dot de son épouse. Leur union ne donnera toutefois pas lieu à une descendance.
Le puîné, François Sabatier, enfin, épouse quant à lui en premières noces en 1841 à Florence, contre l'avis de sa mère, la cantatrice autrichienne Caroline Marie Unger (1803-1877), de quinze ans son aînée. Il n'aura pas de postérité. Au soir de sa vie, il se remarie en 1888 pour rompre sa solitude avec une femme cultivée, Marie Boll, originaire de Colmar, elle-même veuve d'un Saxon du nom de Jung, peintre sur porcelaine.
Les trois frères Sabatier, très liés, sont des hommes d'affaires, des investisseurs éclairés qui détiennent des parts dans le mines de charbon de Graissessac ou d'Anzin par exemple, mais aussi dans différentes entreprises innovantes comme les chemins de fer qui se mettent en place dans le Languedoc sous Louis-Philippe puis Napoléon III. Ce sont aussi de grands gestionnaires de leurs exploitations agricoles et viticoles. Chacun d'entre eux met en valeur ses propres vignobles et, si Frédéric se passionne pour l'élevage de chevaux de course dans les écuries de son domaine d'Espeyran, François se penche sur les problèmes de greffage de vignes à la Tour de Farges et remporte la médaille de la Société d'agriculture de l'Hérault. Frédéric, Félix et François, tout comme leur mère Hermine, épouse de Lasalle, et leur demi-soeur Cécile de Lasalle, épouse de Bonald, partagent par ailleurs leur temps avec leur belle-famille respective entre le Languedoc et Paris, où ils trouvent leur place dans la société mondaine et fréquentent grands bourgeois, aristocrates et intellectuels.
Bien qu'ayant reçu tous les trois la même excellente éducation, Frédéric et Félix le cèdent sans conteste à leur benjamin François qui fait figure d'artiste, d'intellectuel et d'érudit de la famille. Venu dès son adolescence à Paris, il y rencontre le poète Alfred de Vigny, qui reconnaît son talent littéraire, se lie avec plusieurs artistes tels que les peintres Paul Chenavard et Auguste Bouquet, avec des écrivains comme Ferdinand Dugué ou des archivistes-paléographes comme Léon Aubineau (2 J 273). Au tournant des années 1830 et 1840, François Sabatier découvre l'Italie et son immense patrimoine. Il passe par Rome où il rencontre des artistes français tels que Dominique Papéty ou Auguste Ottin, tous deux pensionnaires de la Villa Médicis, alors dirigée par Jean Auguste Dominique Ingres, ainsi que le peintre Henri Lehmann. Le jeune François s'intéresse alors, sous l'influence d'Ottin et de Bouquet, aux théories socialistes telles que celles de Charles Fourier, concepteur du Phalanstère et s'initierait même au carbonarisme. C'est au cours de son voyage italien qu'il rencontre sa future épouse, la cantatrice viennoise Caroline Unger, dernière muse du compositeur Beethoven. Après leur mariage en 1844 à Paris, le couple établit sa résidence à Florence, au palazzo Renai et à la Villa della Concezione, rendez-vous de tous les artistes de passage en Toscane. Néanmoins, François ne cesse de voyager, avec Papéty en 1846, à travers le jeune royaume de Grèce et au Mont Athos encore sous domination ottomane, puis avec Caroline en compagnie de laquelle il découvre l'Autriche et l'Allemagne, où il se prend de passion pour la littérature germanique, passion qu'il poussera jusqu'à traduire lui-même en français Schiller et plus tard le Faust de Goethe ! Chaque année, il se rend à Paris et dans son domaine de la Tour de Farges, où il reçoit de grandes figures telles que Gustave Courbet qui y peindra plusieurs toiles célèbres, l'historien Jules Michelet ou encore Karl Marx. Républicain convaincu au sein d'une famille légitimiste, François Sabatier soutient la construction du Familistère de Guise, qui concrétise le projet social fouriériste. Sa curiosité le pousse par ailleurs à étudier la botanique et la géologie. Il correspond ainsi dans les années 1860 avec le géologue et alpiniste suisse Edouard Desor (1811-1882) (2 J 329). À la fin de sa vie, il ne maîtrise pas moins de quatorze langues vivantes et anciennes, connaissant même le sanskrit !
Sans enfant, il recueille dès 1846 avec Caroline Unger la petite Louise Boucher (1835-1909), fille naturelle de son ami Auguste Bouquet mort prématurément et de Louise Eudoxie Boucher. Il élève lui-même cet enfant qu'il considère comme sa fille adoptive et qui épouse par la suite Michele Benedetto Gaetano Amari (1806-1889), historien arabisant, sénateur et ministre de l'Instruction publique du royaume d'Italie dans les années 1860. Louise Boucher, établie à Rome, est d'ailleurs l'un des héritiers de François, avec ses neveux Guillaume Sabatier d'Espeyran et Henri de Bonald. À sa mort en 1891, François Sabatier lègue un grand nombre d'oeuvres d'art et de livres anciens au musée Fabre, à ceux du Louvre et de Marseille et à la bibliothèque de Montpellier. Il est le premier Sabatier à se dessaisir de la sorte d'une partie de son patrimoine pour en faire bénéficier le public. Il repose aux côtés de Caroline Unger au cimetière de San Miniato al Monte à Florence.
Félix Guillaume Sabatier d'Espeyran (1850-1938) [IX 1], son neveu, fils de Frédéric, réunit sur son chef en l'espace de quelques années les différents biens immobiliers qui avait constitué la fortune de son grand-père Félix Sabatier, mort en 1818. Il tient en effet de son père disparu en 1864 le domaine d'Espeyran et des biens dans le Lunellois et reçoit des successions de ses oncles François et Félix ouvertes en 1892 et 1894 les domaines de la Tour de Farges et de Maurin entre autres, en plus de l'hôtel de Lunas venu des Granier. À cela, il convient de rajouter les immeubles à Sète qui lui viennent de sa mère et l'hôtel particulier du Rond-point des Champs-Elysées à Paris que Félicie Durand a fait bâtir en style néo-Louis XV en 1888 par l'architecte Henri Parent et qui restera dans la famille jusqu'au début des années 1950.
Guillaume Sabatier d'Espeyran, à la tête d'une pareille fortune, gère attentivement à l'exemple de ses prédécesseurs ses exploitations viticoles, poursuit les investissements familiaux dans les mines de charbon, mais s'intéresse aussi à des entreprises plus modernes de produits chimiques, aux compagnies d'électricité (il fait d'ailleurs très tôt électrifier ses résidences). Il observe les progrès du chemin de fer et cède des terrains pour permettre l'aménagement de lignes de la Compagnie Paris-Lyon-La Méditerranée.
Il épouse en 1879 Louise Caroline Claire Le Barrois d'Orgeval, née en 1854, fille de Jean François Stanislas Adolphe, baron Le Barrois d'Orgeval, et de Claire Augustine Élisabeth Creuzé de Lesser (cf. 2 J 317). De cette union naissent quatre fils qui recevront chacun à la mort de leur père en 1938 une partie du patrimoine séculaire des Sabatier depuis lors morcelé. L'aîné, Frédéric Sabatier d'Espeyran (1880-1965) [X 1], diplomate et bibliophile, époux de Renée de Cabrières, lègue à la ville de Montpellier sa riche collection de reliures d'artistes du XXe siècle. Sa femme lègue quant à elle leur hôtel particulier montpelliérain, sur l'Esplanade, au Musée Fabre. Il abrite aujourd'hui le département des Arts décoratifs de celui-ci. Le cadet, Guy Sabatier d'Espeyran (1885-1974) [X 2], marié à Odette Durand, fait une donation en 1963 de ses domaine et château d'Espeyran aux Archives de France qui y aménagent à partir de 1970 l'actuel Centre national du microfilm et de la numérisation (CNMN). Le troisième né, Pierre Sabatier d'Espeyran (1892-1989) [X 3] qui suivra, épouse Marie Françoise Marguerite de Villeneuve de Trans de Flayosc (1891-1968) . Le puîné, Robert Sabatier d'Espeyran [X 4], époux d'Amélie Lafage, n'a guère laissé de traces.
Pierre Sabatier d'Espeyran [X 3], dit Pierre Sabatier, est le dernier personnage de relief de la famille. Sa carrière littéraire et culturelle rappelle grandement la figure de son grand-oncle François Sabatier. Docteur ès lettres et en droit avec des thèses portant l'une sur l'esthétique des Goncourt (1920), pour laquelle il obtient de l'Académie Française le prix Marcellin Guérin, et l'autre sur la déchéance de la puissance paternelle et la privation du droit de garde (1922, réactualisée en 1983), il est l'auteur d'une quarantaine de pièces de théâtre, de romans tels que "Judith", "Le chemin de Cythère", "Une demoiselle de Camargue", "La Révoltée", "Vices"... Plusieurs de ses oeuvres faisant l'objet d'adaptation pour le grand écran, ses activités le portent vers le cinéma, mais aussi vers l'animation de la vie culturelle (cf. 2 J 322). Sous le régime de Vichy, Pierre Sabatier est ainsi directeur des émissions artistiques et littéraires de la Radiodiffusion nationale (2 J 321). Au cours de sa longue vie, il appartient à de nombreuses sociétés, telles que le Pen-Club, le syndicat de la presse artistique, l'Union des Français de l'étranger, la société des Gens de Lettres, celles des écrivains suisses ou des auteurs dramatiques romands et la Rilke Gesellschaft de Bâle. Elu en 1956 à l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, il accueille ses séances jusqu'à son décès en 1989 dans le salon rouge de l'hôtel de Lunas. Sa gentillesse et son talent sont reconnus de tous. Il partage sa vie entre son hôtel montpelliérain, ses appartements du VIIe ou du XVIe arrondissement de Paris et de Neuilly-sur-Seine et sa villa de Lausanne, sur les bords du lac Léman. À son décès en 1989, il lègue à l'État son magnifique hôtel particulier montpelliérain et une partie de son mobilier. C'est enfin lui qui fait don progressivement du fonds d'archives de sa famille aux Archives départementales de l'Hérault.
Familles alliées :
Famille Didier
Les époux Pierre Didier et Jeanne Clauzelle, père et mère de Marguerite Didier, la femme d'Antoine Sabatier [III 1], sont établis à Montpellier dans les années 1660 et exercent la profession de marchands mangonniers.
Famille Pomier
Les Pomier, alliés aux Sabatier par le mariage de Jeanne Pomier avec Jean Sabatier [V 3], sont des marchands habitant à Montpellier.
Famille Fournier, puis Fournier de Servant et alliés (Curet, Cabassade, Servant, Bruguière, Roque et Reboul)
Par le mariage en 1812 de Jean-Baptiste Félix Sabatier [VII 2] avec Aglaé Jeanne Sainte-Hermine Fournier de Servant, les Sabatier s'allient à une riche famille de propriétaires originaires du Lunellois. La jeune épouse est en effet la fille posthume de François Fournier de Servant (1728-1793), conseiller secrétaire du roi, maison, couronne de France en la chancellerie du parlement de Dijon de 1783 à 1790, monté à Paris pour y servir son oncle paternel richissime, Jean-Baptiste Louis Fournier (1699-1782), un temps fermier général, puis "trésorier, receveur et payeur ancien et mitriennal des gages et augmentations de gages des officiers de la chancellerie près la Cour du parlement de Dijon" à partir de 1762. Les Fournier sont une famille aisée du Languedoc, impliquée dans la ferme générale et la perception des droits du tabac par exemple. Ils sont eux-mêmes alliés à plusieurs familles locales : les Curet, les Cabassade, les Servant, les Bruguière, les Roque et les Reboul.
La mère d'Aglaé Jeanne Sainte-Hermine Fournier de Servant, Jeanne Élisabeth Étienne Roque (1761-1839), fille d'un contrôleur des domaines du roi, est ainsi originaire de Lunel. Elle épouse en 1785 François Fournier de Servant, resté jusque là célibataire et s'installe avec lui dans le quartier du théâtre de l'Odéon. Elle traverse sans encombre avec son mari les premières années de la Révolution française en plein coeur de Paris jusqu'au printemps 1793 où son mari meurt de maladie. Elle se sait alors enceinte d'un enfant. Les scellés sont aussitôt posés sur les biens parisiens et lunellois de son défunt mari et un "curateur au ventre" est désigné pour veiller sur le patrimoine de l'enfant à venir. Hermine naît quelques mois plus tard. La jeune veuve, qui tient rigoureusement les comptes de sa maison, reste encore quelques temps à Paris avant de rejoindre avec sa jeune fille Lunel et sa famille sous la Convention thermidorienne ou au début du Directoire. Elle se consacre dès lors exclusivement à l'éducation de sa fille unique et ne se remariera pas. Quelques décennies plus tard, Jeanne Élisabeth Étienne Roque joue un rôle fondamental dans l'histoire de la famille Sabatier, ainsi que son frère, l'abbé Jean Antoine Frédéric Roque (1762-1843), en assumant, suite au désistement de ce dernier en 1828, la tutelle et la gestion de la fortune considérable de ses trois petits-fils, Frédéric, Félix et François Sabatier, orphelins de père depuis 1818. Ses nombreuses lettres conservées révèlent clairement la profonde affection qu'elle leur voue, tout autant qu'à sa fille unique Hermine.
Si Jean Antoine Frédéric Roque, grand-oncle des trois enfants, n'exerce que de façon transitoire la tutelle de ses petits-neveux, de 1827 à 1828, il n'en demeure pas moins pour eux une figure aussi centrale que leur grand-mère. Une grande affection les lie à ce personnage atypique. Docteur en théologie et en droit, initié à la franc-maçonnerie mais devenu prêtre sur le tard, à plus de quarante ans, l'abbé Roque a auparavant exercé la profession de marchand, participé aux guerres d'Italie du consul Napoléon Bonaparte, voyagé en Angleterre et en Hollande à la faveur de la paix d'Amiens de 1802. Il est bonapartiste quand les Sabatier sont favorables aux Bourbon. Il devient aumônier de l'armée, puis, à la fin de sa vie, chanoine honoraire de la cathédrale de Montpellier. Ses lettres conservées révèlent comme dans le cas de sa soeur son profond intérêt pour ses petits-neveux et son souci de leur assurer la meilleure éducation possible.
Famille de Trinquère
Le lien entre cette famille et les Sabatier n'est pas clairement établi. Les Trinquère appartiennent à la noblesse de robe de la ville de Montpellier, l'un des leurs, Claude de Trinquère est conseiller du roi au siège présidial et sénéchal de Montpellier en 1682.
Famille Meynier de Lasalle (également orthographié de Lassalle ou de La Salle)
Veuve en premières noces de Jean-Baptiste Félix Sabatier, décédé en 1818, Aglaé Jeanne Sainte-Hermine Fournier de Servant se remarie en 1828 avec le vicomte Charles Meynier de Lasalle (1796-1860), chef de bataillon, fils de Jean Charlemagne Meynier de Lasalle (1749-1819), maréchal de camp et maire de Lunel-Viel, et de Jeanne Violet de la Fay. De leur union naissent notamment Cécile de Lasalle, demie-soeur de Frédéric, Félix et François Sabatier, qui épouse par la suite Gabriel de Bonald, dont elle a, entre autres, Henri de Bonald, peintre, cousin de Guillaume Sabatier d'Espeyran et héritier comme lui de leur oncle François Sabatier.
Il est à noter que c'est le comte Jean-Charlemagne de Lasalle qui, plus de dix ans avant le mariage de son fils avec Hermine Fournier de Servant, vend en 1816 à Jean-Baptiste Félix Sabatier le domaine de la Tour de Farges (commune de Lunel-Viel).
Famille Durand
Cette riche famille de Montpellier a bâti sa fortune grâce à la banque et au commerce maritime sous l'Ancien Régime et par la suite. Elle s'allie aux Sabatier à la faveur du mariage de Frédéric Sabatier d'Espeyran [VIII 1] avec Marie Claire Léonie Félicie Durand (1819-1899). L'un des arrière-grands-oncles de celle-ci, Jean-Jacques Louis Durand est président de la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier et devient le premier maire de la ville de Montpellier sous la Révolution mais périt sur l'échafaud en 1794. Son grand-père, Marie Jacques Durand est élu député de l'Hérault en août 1815 et créé baron par Louis XVIII en 1816, tandis que son père François Louis Auguste Durand s'illustre en 1815 en servant parmi les volontaires du duc d'Angoulême pour contrer le retour de Napoléon de l'île d'Elbe.
Famille Granier et alliés (famille Bouché)
Les Granier, grands négociants en draps de Montpellier au XVIIIe siècle peuvent faire figure de rivaux des Sabatier. Leur immense fortune leur permet déjà, en la personne de Guillaume Granier fils, de faire l'acquisition de l'hôtel de Lunas en 1770. Le fils de celui-ci, Guillaume Zoé Granier (1788-1856), dit Zoé, est maire de Montpellier à deux reprises, en 1830-1831, puis de 1833 à 1844, ainsi que député de l'Hérault durant tout le règne de Louis-Philippe. Sa famille est à la tête de la maison Henri Granier et fils, puis de la société en commandite Zoé Granier et Compagnie sous le Second Empire et les premières années de la Troisième République. La famille Bouché est alliée aux Granier du fait de l'union de Marie Françoise Sophie Lucie Bouché avec Zoé. Il s'agit une nouvelle fois d'une grande dynastie de négociants, où l'on compte Pierre Louis Auguste Bouché (mort en 1827), propriétaire à partir du 27 frimaire an IX d'une des folies montpelliéraines, le château d'Assas.
Maison de commerce de draps Puech et Sabatier
La maison Puech et Sabatier a pour objet la fabrication et le commerce de draps. L'entreprise travaille à partir d'une fabrique située à Lodève où sont acheminées les matières premières (notamment la laine) pour être ensuite traitées, teintes, puis vendues à Montpellier.
La maison de commerce obtient l'important marché de fourniture de draps militaires aux armées royales. De 1720 à 1740, les draps et habits sont fabriqués selon des adjudications précises, et acheminés par voitures à travers la France, pour chaque régiment.
Maison de commerce de draps Jean Sabatier et fils
La maison de commerce Jean Sabatier et fils (Guillaume et Jean-Baptiste Sabatier) poursuit et élargit l'activité de la maison Puech et Sabatier. Elle établit une maison à Paris pour négocier de nombreux marchés de textile à plus grande échelle. Les matières premières (laine, toile, draps, boutons d'étain, etc...) sont achetées notamment aux foires de Pézenas, Montagnac, Saint-Hilaire et Beaucaire (1751-1787) et stockées dans des magasins à Lodève et à Montpellier. L'entreprise remporte également un marché pour la fourniture et l'entretien des lits des quatre provinces militaires méridionales (Languedoc, Roussillon, Dauphiné, Provence, auxquelles il convient d'ajouter la Corse). Les dossiers permettent ainsi de suivre l'approvisionnement de chaque citadelle et place forte royale, ainsi que l'état de la literie et des travaux d'entretien et de réparation.
Manufacture de couvertures Zoé Granier
Guillaume Zoé Granier (1788-1856), dit Zoé, maire de Montpellier, député de l'Hérault est à la tête de la maison Henri Granier et fils, puis de la société en commandite Zoé Granier et Compagnie sous le Second Empire et les premières années de la Troisième République. Il réalise des importations de matières premières auprès de fournisseurs qui sont installés à Marseille, Alger mais également Buenos-Aires, New-York et Rio de Janeiro ; Zoé Granier négocie tous les 15 jours des prix fluctuants. Les fournitureses sont ensuite stockées dans des entrepôts à Paris et Marseille. Le travail de tissage se déroule dans un atelier du quartier Boutonnet, à Montpellier. La société obtient plusieurs marchés de fourniture de draps pour l'Assistance publique (hôpitaux) et l'armée (campements). Mais une première liquidation de l'entreprise a lieu en 1855 et la société est placée en commandite (soutenue par des actionnaires seuls, responsables des dettes sociales inhérentes) ; l'un des actionnaires est Félix Sabatier, gendre de Zoé Granier