Le fonds Francis Jouvin, alias "Capitaine Cabrol", est essentiellement constitué de comptes rendus et rapports d'opération de Résistance, de notes personnelles, de dossiers individuels d'homologation de services FFI, d'attestations personnelles de services militaires, de dossiers documentaires, de correspondance, de photographies, et de plusieurs objets (dont un brassard et un fanion FFI). Ce fonds, qui offre un témoignage assez rare et complet des activités d'un groupe structuré de résistants héraultais d'un réseau action - le corps franc "Groupe Cabrol" - et particulièrement de la vie et de l'action de leur chef, Francis Jouvin, est structuré en huit parties : vie personnelles et professionnelle (220 J 13-18, 94, 97), plans de sabotage, combats, propagande et Cour martiale de Béziers (220 J 22-27, 102), activités des groupes de Résistance (220 J 11, 80-83, 88-91), Corps franc "Groupe Cabrol", homologation et reconnaissance des services accomplis dans la Résistance (220 J 1-10, 12), commémorations, dossiers documentaires, correspondance (220 J 84-87, 92), amicales et associations patriotiques (220 J 19-21, 79, 93), fonds photographique et iconographique (220 J 28-78, 101) et objets (220 J 95-96, 98-100).
La première partie, Vie personnelle et professionnelle (220 J 13-18, 94, 97), permet d'appréhender le parcours personnel, familial et militaire de Francis Jouvin. Les deux premiers articles (220 J 13, 97), rassemblent les documents concernant la vie privée de Francis Jouvin et de sa famille (à noter particulièrement, le dossier individuel de Louis Jouvin, père de Francis Jouvin, invalide de guerre). Viennent ensuite les dossiers (220 J 14-18) permettant de retracer très précisément la carrière militaire effectuée dans l'Armée de l'air par Francis Jouvin de 1935 à 1972 : pièces personnelles d'identité militaire, déroulement de carrière et affectations successives, reconnaissance et homologation des services accomplis dans la Résistance, décorations et distinctions militaires. Un dernier dossier (220 J 94) témoigne de l'étroite collaboration entre Francis Jouvin et Joseph Lanet, son ancien chef dans la Résistance, lors de la rédaction des Mémoires de guerre de Joseph Lanet : est ainsi conservée toute la correspondance échangée entre 1969 et 1974 entre les deux compagnons de Résistance, ainsi qu'un dossier relatif au décès de Joseph Lanet en 1974 et un dossier concernant la préparation de l'édition définitive des Mémoires de guerre en 2009 par les Archives départementales de l'Hérault.
La seconde partie, Plans de sabotage, combats, propagande et Cour martiale de Béziers (220 J 22-27, 102), réunit les documents originaux dont disposait Francis Jouvin en 1943-1944 pour l'exécution des plans de sabotage préparatoires à la Libération (plan de sabotage des installations électriques - ou Plan bleu - et plan de sabotage des voies ferrées - ou Plan vert), des dossiers concernant certains événements marquants de l'année 1944, les dossiers liés à la propagande et à l'épuration menée contre des collaborateurs du Biterrois. L'article 220 J 24, réunissant les plans calques originaux des coupures ferroviaires à opérer par le responsable Plan vert, ainsi que les consignes clandestines afférentes, est tout à fait exceptionnel par sa rareté. De même manière, le dossier relatif à la Cour martiale de Béziers (220 J 102), qui siégea les 5, 11 et 14 septembre 1944 et dont Francis Jouvin était membre, est un document extrêmement précieux, compte tenu de l'absence totale de sources sur ce sujet dans les fonds judiciaires conservés aux Archives départementales de l'Hérault (aucun dossier de la Cour martiale de Béziers n'a été conservé dans le fonds de la Cour de Justice de l'Hérault, en sous-série 59 W). Lors des séances de la Cour martiale de Béziers, Francis Jouvin a consigné des notes manuscrites sur chaque prévenu, rendant ainsi compte du déroulement - pour le moins expéditif - des procès de collaborateurs, dont l'issue était quasiment systématiquement la condamnation à mort.
La troisième partie, Activités des groupes de Résistance (220 J 11, 80-83, 88-91), rassemble les dossiers relatifs aux actions menées par le Corps franc "Groupe Cabrol", sous les ordres directs de Francis Jouvin, alias Cabrol, ainsi que les dossiers témoignant de l'activité personnelle de Francis Jouvin, alias Tael, au sein du réseau de renseignement Côtre. Les archives concernant le Corps franc "Groupe Cabrol" permettent de suivre très précisément la composition et les actions clandestines des équipes locales formant le Groupe Cabrol, organisé et identifié selon les formations successives "Plan vert et Corps franc Béziers" (juin 1943-janvier 1944), "Plan vert départemental et Corps franc Cabrol" (février-juin 1944), "Groupes FFI des secteurs de Béziers et Bédarieux" (juillet-août 1944). Il est ainsi possible grâce aux listes nominatives clandestines codées de reconstituer l'organisation des équipes suivantes : équipe n° 1 (état major, groupe Francis Fabre), équipe n° 2 (Portiragnes - Mission Plan vert), équipe n° 4 (Béziers, compagnie du gaz - Mission corps franc et renseignements), équipe n° 6 (action ouvrière), équipe n° 7 (Hérépian - Mission Plan vert), équipe n° 8 (Gabian - Mission Plan vert), équipe n° 9 (Le Poujol-sur-Orb - Mission Plan vert), équipe n° 10 (Vias - Mission Plan vert), équipe n° 12 (Cazouls-lès-Béziers - Mission corps franc en liaison avec Maraussan), équipe n° 14 (Bédarieux), équipe n° 15 (Colombières-sur-Orb), équipe n° 16 (Mons-la-Trivalle), équipe n° 17 (Hérépian), équipe n° 19 (Gabian), équipe n° 20 (Béziers, secteur Nord), équipe n° 21 (secteur Béziers HBM, section du PC), équipe n° 22 (Béziers, secteur PTT), équipe n° 23 (Béziers arênes), équipe n° 26 (volontaires espagnols de la fédération locale de Béziers de la Confédération nationale des travailleurs [CNT]), équipe n° 29 (Cazouls-lès-Béziers), équipe des Polonais (Bousquet-d'Orb). Les actions clandestines et sabotages spectaculaires réalisés en 1943-1944 par les équipes locales sont particulièrement bien documentés par le journal de marche du Groupe Cabrol (220 J 91), des résumés d'activités, comptes rendus et états de service, rédigés à des dates différentes (220 J 89). L'action du groupe Cabrol ne cesse pas à la Libération en août 1944 et peut également être étudiée grâce aux archives comptables couvrant la période septembre 1944-juin 1945 (220 J 83, 88). Enfin, les actions de Francis Jouvin, comme membre du réseau de renseignement Côtre, peuvent être suivies grâces aux documents clandestins, instructions, rapports et comptes rendus produits et reçus par Tael (220 J 81-82).
La quatrième partie, Corps franc "Groupe Cabrol", homologation et reconnaissance des services accomplis dans la Résistance (220 J 1-10, 12), témoigne de l'ensemble considérable de démarches administratives effectuées à partir de l'automne 1944 (et ce, pendant plus de 50 ans!) par Francis Jouvin pour obtenir la reconnaissance et l'homologation des services effectuées dans la Résistance, sous ses ordres, par tous les membres du groupe Cabrol. Le nombre considérable de dossiers conservés atteste assurément que la très forte camaraderie née dans la clandestinité perdure après la Libération, par delà les décennies. L'article 220 J 9, constitué de correspondance et de listes nominatives, concerne la difficile homologation du groupe Cabrol comme unité combattante FFC au sein du réseau "Action R 3" et comme unité combattante FFI. Les articles 220 J 1-3 rassemblent quant à eux les dossiers individuels des membres du groupe (comprenant état civil et situation de famille, profession, résumé des services rendus dans la Résistance et appréciations des chefs d'équipe et groupe, attestations, correspondance) présentés à partir de 1945 pour l'homologation des agents de catégories P 0 (travail occasionnel pour la Résistance), P 1 (travail habituel pour la Résistance) et P 2 (travail clandestin et en permanence pour la Résistance). Il est à noter que l'ensemble des dossiers conservés a été identifié dans l'instrument de recherche. Un autre ensemble de dossiers individuels (220 J 4-6, classement alphabétique) est constitué par les dossiers individuels de résistants établis par Francis Jouvin à partir de 1944. Ces dossiers, réunissant propositions de décorations, attestations et certificats d'appartenance à la Résistance et aux Forces françaises de l'Intérieur (FFI), rapport et comptes rendus d'actions de Résistance, ont été établis dans le cadre de demandes individuelles d'homologation de services et d'attribution de décorations. Enfin, plusieurs dossiers et listes spécifiques complètent cette partie : actes individuels d'engagement dans les FFI en septembre - octobre 1944 des membres du groupe Cabrol (220 J 8), citations, listes nominatives, certificats d'appartenance FFI (220 J 10, 12) et demandes de cartes individuelles, intitulées "Livret de Résistance - R3" (220 J 7).
La cinquième partie, Commémorations, dossiers documentaires, correspondance (220 J 84-87, 92), réunit tous les dossiers thématiques (plaquettes, discours, notes, correspondance) constitués de 1944 à 2009 par Francis Jouvin dans le cadre des commémorations liées à la Résistance et à la Libération du Biterrois. La correspondance de Francis Jouvin avec ses camarades de clandestinité laisse apparaître la forte charge émotive des liens personnels tissés dans la Résistance avec ses compagnons d'armes, ainsi que la place récurrente du drame du col de Fontjun (6 juin 1944), où de nombreux Résistants sont morts fusillés, alors que le débarquement des troupes alliées débutait en Normandie. Par ailleurs, Francis Jouvin a conservé, dans ses nombreux dossiers sur la guerre, des coupures de presse souvent annotées et commentées par ses soins. Francis Jouvin, fortement marqué par les années de guerre, revient continuellement au cours des décennies, sur les événements de guerre, à travers des notes manuscrites et dactylographiées : les événements de guerre ne sont pas seulement relatés, mais interprétés, commentés et remis en perpective à la lumière de l'actualité du moment. Il est à noter que Francis Jouvin, dès les années 1950, a eu l'intention de publier un ouvrage de souvenirs sur son expérience personnelle dans la Résistance, mais que ce projet n'a pu voir le jour (220 J 92).
La sixième partie, Amicales et associations patriotiques (220 J 19-21, 79, 93), rassemble les archives (listes nominatives, comptes rendus, comptabilité, correspondance) relatives aux associations patriotiques dont fit partie Francis Jouvin. La première d'entre elles est l'Amicale du Groupe Cabrol (220 J 19-20), que Francis Jouvin fonde dès l'automne 1944, afin de maintenir et renforcer les liens d'amitié et de solidarité entres les membre du groupe Cabrol. Sont également représentées l'Amicale du réseau Côtre (220 J 79), l'Amicale des Français Libres, l'Amicale Action, l'Union française des Associations de Combattants (220 J 93), l'Union départementale de l'Hérault des Combattants Volontaires de la Résistance (CVR) et l'Amicale des Forces françaises combattantes (FFC) - Cloche du 11 Novembre (220 J 21). Ces associations patriotiques témoignent de l'amitié indéfectible née du combat clandestin et de la volonté commune de défendre les droits et héritages de l'esprit de la Résistance après la Libération.
La septième partie, Fonds photographique et iconographique (220 J 28-78, 101), regroupe l'ensemble des photographies et négatifs de Francis Jouvin. Il s'agit d'une très riche collection de photographies, la plupart annotées et commentées de la main de Francis Jouvin (les commentaires sont indispensables pour contextualiser les photographies, identifier les personnes et appréhender les opinions de Francis Jouvin). Les clichés sont regroupés en trois sous-parties : vie personnelles et professionnelle de Francis Jouvin (220 J 28-39, 101), qui réunit des photographies de famille, des photographies illustrant sa carrière militaire dans l'armée de l'air (à noter, une belle collection de clichés d'avions de guerre en 220 J 34-37, 39) ; Résistance, guerre, Libération, campagne d'Alsace et commémorations (220 J 40-77), qui rassemble des clichés exceptionnels pris dans la clandestinité, à la Libération et sur le Front d'Alsace. Ces photographies relatives aux événements de guerre sont particulièrement précieuses, notamment celles illustrant les obsèques de trois maquisards tués au passage à niveau près de Lunas par les Allemands, prises le 11 juillet 1944, où l'on ressent avec émotion la douleur des proches des victimes (220 J 42) ; les photographies prises le 20 août 1944 à Béziers, montrant une voiture et un char allemands endommagés par les membres du groupe Cabrol (220 J 59), ainsi que celles des défilés de la Libération dans la cité biterroise nous restituent avec justesse l'atmosphère particulière de la Libération tout en donnant un visage aux membres du groupe Cabrol, en uniforme, parfaitement identifiables et identifiés (220 J 55-58). Les clichés de la Campagne d'Alsace (220 J 65-67) sont eux aussi remarquables car ils nous permettent d'illlustrer l'épopée de la Brigade légère du Languedoc (BLL). Enfin, Francis Jouvin a précieusement conservé les photographies prises chaque année, depuis 1944, lors des commémorations et cérémonies patriotiques (220 J 68-77). Le dernier article de cette partie est constitué par un ensemble conséquent de négatifs souples des principaux clichés positifs, conservés dans le fonds (220 J 78).
La huitième et dernière partie, Objets (220 J 95-96, 98-100), réunit des objets émouvants conservés par le Résistant : le brassard tricolore FFI du capitaine Cabrol (220 J 99), le fanion du groupe Cabrol (220 J 98), l'insigne brodé du groupe Cabrol représentant un pylône électrique, un train circulant sur une voie ferrée, une hélice et un moteur d'avion, symbolisant les actions clandestines de sabotage effectuées par l'unité (220 J 96), deux médailles commémoratives des sabotages réalisés dans le cadre du Plan vert (220 J 95) et la dague d'officier de l'armée de l'air de Francis Jouvin (220 J 100).
Le fonds Francis Jouvin, alias "Capitaine Cabrol", constitue assurément l'un des principaux fonds d'archives relatifs à la Résistance, conservés aux Archives départementales de l'Hérault. Il est en effet extrêmement rare qu'un nombre aussi important de documents produits et reçus dans la clandestinité par un responsable départemental de la Résistance ait pu être conservés. Le nombre considérable de dossiers nominatifs individuels de résistants du Biterrois, constitués et conservés par Francis Jouvin, forme également un corpus exceptionnel pour qui veut aborder l'étude de la Résistance autour de Béziers et Bédarieux. L'iconographie remarquable, illustrant la Résistance, la Libération et ses combats, constitue par ailleurs une richesse historique complémentaire de premier plan. Enfin, le fonds Francis Jouvin, alias "Capitaine Cabrol" permet une étude croisée de la Résistance dans l'Hérault particulièrement pertinente lorsqu'il est mis en relation avec les archives de Joseph Lanet (conservées en sous-série 177 J), ancien responsable de Francis Jouvin dans la clandestinité.