Après l'expérience de la première guerre mondiale, l'Etat français décide de se doter d'un arsenal législatif et administratif destiné à organiser le ravitaillement des populations et de l'armée du pays en cas de conflit. La loi du 11 juillet 1938 donne ainsi la possibilité au gouvernement d'intervenir dans l'économie en l'autorisant à prendre des décrets pour réglementer et taxer l'importation et l'exportation, la circulation et la vente de certaines ressources. Le décret du 9 septembre 1939 supprime la liberté du commerce et réglemente le régime des prix. C'est de cette loi que découle la mise en place des services du Ravitaillement : ils sont institués par le décret du 21 avril 1939 et abrogés par celui du 18 janvier 1950. Après 1950, des organismes liquidateurs sont chargés de la régularisation des comptes du Ravitaillement et des ré-affectations des personnels.
Ainsi une expérience d'économie dirigée se met en place à la faveur de la guerre, dans un contexte général de progrès des idées interventionnistes et de recul du libéralisme classique avec la crise de 1929, le New deal américain et le succès rencontré par les idées keynésiennes. La montée du fascisme et du nazisme en Europe va aussi dans le sens des idées de dirigisme et de nécessaire planification de l'économie.
On peut distinguer trois grandes phases dans la politique de ravitaillement du gouvernement : une phase de rodage de 1938 à 1941 (le rationnement n'est pas encore mis en place), un renforcement très nette du contrôle étatique sur l'économie de 1941 à 1944 (organisation plus efficace, contrôle plus strict des professionnels), et la phase de la Libération caractérisée, de 1944 à 1950, par le renforcement de la réglementation malgré le retour de la paix.
ORGANISATION GENERALE
Le Ravitaillement général est défini comme un organe mobilisateur subordonné au ministère de l'Agriculture et soumis à la direction et à la coordination du ministère de la guerre. Le personnel est composé de fonctionnaires militaires appartenant aux services de l'intendance, mis à disposition du ministère de l'Agriculture par le ministère de la guerre, et de fonctionnaires civils. Au niveau central, le Ravitaillement est d'abord un service annexe du ministère de l'Agriculture avant d'être érigé en ministère propre.
Au niveau local, des directions régionales sont instituées : elles ont pour rôle de servir d'intermédiaires entre l'échelon central et l'échelon départemental et ont une fonction d'inspection des services départementaux. Il n'est pas toujours facile de distinguer ce qui relève de la direction régionale, aux compétences floues, et ce qui relève des directions départementales. C'est pourquoi, dans la rubrique intitulée Direction régionale, ont été placées les "affaires relevant de tous les départements". Car le rouage essentiel du Ravitaillement est celui des directions départementales. Le directeur départemental, placé sous l'autorité du préfet, a pour tâche de recenser et d'assurer l'achat des denrées nécessaires, de contrôler les stocks à la production et ceux du commerce alimentaire et d'assurer la répartition et la circulation des produits contingentés et rationnés. Enfin , une direction du transit est installé dans chaque port important.
MISSIONS ET FONCTIONNEMENT
La mission des services du Ravitaillement est d'assurer l'approvisionnement des armées et de la population civile en produits agricoles et denrées alimentaires en cas de mobilisation militaire. Ils doivent acheter les denrées, les transformer et les céder aux ministères militaires, aux services publics et aux groupements de répartition. Le but est de fournir des denrées au prix le plus bas possible.
Les opérations du Ravitaillement sont imputées à un compte spécial, appelé "compte spécial du Ravitaillement général de la Nation en temps de guerre". Les services disposent d'une comptabilité deniers et d'une comptabilité matières. Concrètement, la direction départementale du Ravitaillement fixe un contingent de denrées à acheter. Les achats se font "à caisse ouverte", à l'amiable. Les maires jouaient un rôle fondamental, notamment en établissant des listes de prestataires. Les vendeurs des produits se rendent à la commission de réception (appelée aussi commission d'achat selon les époques) la plus proche pour livrer les denrées et être payés. Si le contingent fixé n'est pas atteint ou si les producteurs refusent de vendre à l'amiable, les services du Ravitaillement interviennent par des ordres de réquisitions envoyés aux maires : procédure exorbitante au regard du droit commun, elle permet à la puissance publique de se servir sans avoir à payer les vendeurs sur le champ.
La loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation de la nation en temps de guerre prévoit la possibilité de confier à des groupements de producteurs, de commerçants et de consommateurs agréés par l'Etat l'exécution du ravitaillement en denrées alimentaires et produits industriels. Ce sont des groupements spécialisés par produits ou groupes de produits. Parmi ces organismes, il faut distinguer notamment les groupements d'importation et de répartition et les groupements d'achat et de répartition. La loi du 23 octobre 1941 renforce la tutelle administrative sur ces groupements et institue les groupements uniques d'achat (G.U.D.A.) et des comités consultatifs de répartition. Enfin, signalons l'existence d'organismes interprofessionnels, notamment celui du blé, celui des produits laitiers et celui de la viande.
LA DIRECTION DU SERVICE DES VINS
La direction du service des vins, qui n'a évidemment pas d'équivalent dans toutes les régions françaises, existe à l'échelon régional. Elle dépend directement du ministère du Ravitaillement. Elle se décline en intendances (Nîmes pour le Gard, le Var, le Vaucluse et une partie des Bouches-du-Rhône, Narbonne pour l'Aude et les Pyrénées-Orientales, et Montpellier pour l'Hérault). Un bureau central des wagons-réservoirs est commun à toutes les intendances. L'Hérault, qualifié "d'usine à vins" était particulièrement orienté vers la monoculture vinicole. Le vin est réservé en priorité à l'armée, et est aussi expédié pour partie en Allemagne. L'existence de cette direction se justifie en outre par la nécessité de moyens de transport et de logistique particuliers (wagons-réservoirs ou camions-citernes devant être souvent réquisitionnés). A noter cependant qu'il n'est pas toujours facile, à la lecture des archives, de distinguer ce qui relève de la D.S.V. et des Directions départementale du Ravitaillement, d'autant que la première a pu être rattachée aux secondes selon les époques.