Jean Legrand est né le 13 janvier 1910 à Montpellier, au n° 27 rue Lakanal. Son père, Etienne Legrand, d'origine bourguignonne, polytechnicien et ancien capitaine d'artillerie, meurt en 1912. La famille Legrand vit alors dans une grande précarité et déménage au centre de Montpellier, au n° 4 rue de la Vieille. Jean Legrand effectue sa scolarité au Petit puis au Grand Lycée de Montpellier où il passe son bac D et philosophie en 1928. Après une année passée à suivre quelques cours à la Faculté de Montpellier, il gagne Paris en août 1929 où il trouve un emploi de contrôleur stagiaire des douanes. Passionné par l'art moderne, le surréalisme, le jazz, Nietzsche, Berkeley et Proust, il crée, avec sa compagne Juliette (dite Nine) Goffin une imprimerie (Imprimerie du Danube) pour gagner sa vie et diffuser ses propres textes et ceux de ses amis.
Militant proche de l'extrême-gauche et des milieux trotskystes jusque dans les années 1934-35, Jean Legrand compte parmi les amis de la photographe et écrivaine Claude Cahun (1894-1954) et fréquente le poète surréaliste René Crevel (1900-1935) et le poète Henri Michaux (1899-1984). En 1934, il lance avec Claude Cahun et son camarade écrivain et montpelliérain Pierre Caminade (1911-1998) son propre groupe, le "Groupe Brunet" dont le manifeste "L'amour la connaissance" est publié en 1938 lors d'une exposition au Studio 28 (rue Tholozée à Paris). Le Groupe Brunet préconise une critique radicale de la société et constitue l'aile gauche de "l'Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires".
Jean Legrand est aussi l'imprimeur en 1936 de "Je ne mange pas de ce pain-là" de l'écrivain surréaliste Benjamin Péret (1899-1959), de "Madame Edwarda" de Georges Bataille (1897-1962), sous le pseudonyme de Pierre Angélique en 1941, et des tracts de "Contre-Attaque" (mouvement fondé par Georges Bataille). En tant qu'éditeur, Jean Legrand lance différentes collections : Le grain terrestre, Collection Dauphine, L.G.T, etc...
Pendant la guerre Jean Legrand est instituteur au Mans, puis rejoint Montpellier et regagne à nouveau Paris. Après s'être séparé de sa compagne Nine, il fait la rencontre d'Aurette qui lui donne l'inspiration littéraire.
Après la guerre, Jean Legrand s'installe de nouveau dans l'Hérault, à Clapiers, au "Mas solitaire", où il loge avec une nouvelle compagne et son ami Pierre Caminade.
Grâce notamment à Jean Paulhan (1884-1968) et à Raymond Queneau (1903-1976), il publie un premier livre chez Gallimard en 1946 et participe aux Cahiers de la Pléiade en 1947. Jean Legrand lance alors le "Sensorialisme" accompagnant le succès de scandale de son premier livre, "Journal de Jacques", aux résonnances fortement érotiques, publié chez un important éditeur parisien. "Journal de Jacques", premier livre édité de Jean Legrand, est en fait le second volet d'une trilogie : le premier volet, "Jacques ou l'homme possible" n'est publié au Sagittaire qu'en 1947 et le dernier volet "Aurette et Jacques" paraît chez Gallimard la même année.
Sa carrière littéraire s'arrête alors brutalement, il écrit de nombreux ouvrages et romans - suite de sa trilogie - , célébrant l'érotisme et l'hédonisme, qui ne trouvent pas d'éditeur. Son ami Pierre Caminade lui offre l'opportunité de sa dernière publication, en 1963, dans le collectif "Permanences méditerranéennes de l'humanisme" publié par les Belles-Lettres, avec un texte, "Composition", dans lequel Jean Legrand revient sur sa jeunesse à Montpellier entre misère et rêve de révolution. Dans les années 1950, Jean Legrand, qui vit au "Mas solitaire", à Clapier, achève l'un de ses romans demeurés inédits jusqu'en 2008 "Tandis qu'Ulysse vagabonde".
Jean Legrand meurt à Paris le 25 novembre 1982 d'une crise cardiaque.
Pierre Caminade est né à Montpellier le 25 octobre 1911. Il réalise ses études avec ses amis Olivier Séchan, Henri Féraud et Jean Legrand. Jeune homme, il découvre Arthur Rimbaud, Karl Marx, Paul Valéry et Jean Cocteau. A dix-neuf ans, il fréquente « Le groupe de Carcassonne » - formé du philosophe Ferdinand Alquié (1906-1985), du poète René Nelli (1906-1982) et de Joë Bousquet (1897-1950) - qui publie son premier recueil "Se surprendre mortel".
En 1931, après une licence en droit, Pierre Caminade quitte sa ville natale pour Paris. Il y retrouve son ami Jean Legrand. Avec celui-ci et quelques fortes personnalités, comme Claude Cahun, il forme le "groupe Brunet". Dans ce contexte, Pierre Caminade apporte son soutien aux Surréalistes et à André Breton, qui prennent à ce moment-là, leurs distances avec le Parti communiste. En accord avec le "Sensorialisme" de Jean Legrand, Caminade souhaite un hédonisme subversif où la poésie se joint à l'expérience immédiate, érotique et sociale. Le philosophe François Leperlier pense que cette poétique annonce, avec vingt ans d'avance, les thèses situationnistes de Guy Debord ou de Raoul Vaneigem.
Elaborée au milieu des années 1930, la proposition selon laquelle "la poésie est consubstantielle à cette volonté de transformer la vie quotidienne" sera reprise et travaillée à l'occasion de la thèse que soutient Pierre Caminade à l'Université d'Aix-en-Provence et publiée chez Bordas en 1970, sous le titre "Image et Métaphore". Il y approfondit son "entreprise de nettoyage de la situation verbale", selon le mot de Paul Valéry, un poète qu'il aime particulièrement et à qui il consacre une étude en 1972. Poursuivant encore sa réflexion théorique, Pierre Caminade se rapproche alors du Nouveau Roman, réalise plusieurs études sur l'écrivain Claude Simon (1913-2005), le poète Michel Butor (né en 1926), l'écrivain Jean Ricardou (né en 1932) et publie "Le don de Merci", aux éditions Morel. A cette époque, il entre au comité de rédaction de la revue Sud, dirigée par Jean Malrieu, où il reste vingt ans.
Pierre Caminade quitte Paris en 1947 après quelques années passées à Saïgon. Il revient dans l'Hérault, puis en Aveyron et enfin se fixe en 1954 dans le Var, à La Seyne-sur-Mer où il réside jusqu'à sa mort, le 8 novembre 1998.