Les "Consuls de mer", dont on attribue la création à Guilhem V, apparaissent au début du XIIe siècle. Au nombre de quatre, ils sont d'abord désignés par le seigneur de Montpellier, avant d'être élus par les consuls majeurs, dont émane leur autorité. Chaque année, le 1er janvier, les consuls majeurs désignent vingt bourgeois, parmi lesquels les consuls de mer sont tirés au sort. Ces consuls de mer sont issus des différents corps de marchands de Montpellier, organisés en confrérie ou charité, autour d'un consul ou caritadier : sont ainsi attestés, en particulier, les canabassiers (marchands de chanvre), les poivriers (marchands de poivre et autres épices), les orgiers (marchands de grains), les mangonniers (marchands de poissons), etc... Certains consuls sont également nobles. Les consuls de mer exercent ensuite leur charge pendant un an et doivent rendre leurs comptes aux consuls majeurs en fin d'exercice. D'après les "Etablissements de 1258", ils ne peuvent être réélus, par la suite, que trois ans après. A leur sortie de charge, ils élisent à leur tour un "clavaire de mer" parmi eux (8 B 5).
Peu à peu, leur mode d'élection s'est progressivement simplifié : en 1383, les consuls majeurs les nomment directement, pratique qui est confirmée en 1612 par un certificat des consuls majeurs qui précise que, parmi les consuls, il y a ordinairement un bourgeois, un marchand d'épices, un marchand de toiles ou de laines et un mangonnier (8 B 35).
Au XIIIe siècle, les attributions des consuls de mer sont de percevoir l'impôt sur le transport des marchandises de Lattes à Montpellier, d'en consacrer les revenus à l'entretien des routes de Lattes, du grau et de la robine qui permettent une mise en relation directe de Lattes avec les étangs et la mer, puis avec Aigues-Mortes, via le canal de la Radelle, et enfin de veiller à la sûreté de la navigation. L'impôt, appelé "maille" ou obole", est affermé en 1354-1355 (8 B 34 et 11) et le péage du chemin de terre et du robinage du port arrenté en 1362-1363 (8 B 35). La perception s'effectue aux portes de Montpellier ou à l'entrée de Lattes et il est interdit de faire suivre aux marchandises une autre route. Seuls les objets à usage personnel des habitants de Montpellier et de Lattes échappent à l'impôt.
Lors de la désignation des consuls de mer, il convient d'avoir des consuls capables, car ceux-ci correspondent avec les délégués du commerce local des ports méditerranéens, répriment la piraterie et préparent les traités signés ensuite par les consuls majeurs ou le pouvoir seigneurial.
Simples administrateurs, ils obtiennent des attributions judiciaires par lettres patentes de Louis XI en 1463 "pour connaître et juger de tous différends entre marchands et négociants et pour fait de marchandise seulement" intéressant Montpellier, Agde et Aigues-Mortes. Charles VIII, en 1483, et Louis XIII, en 1615, confirment ce privilège (8 B 27). Par lettres patentes de 1493, ils jugent, sans appel possible au parlement de Toulouse, en présence du Conseil des Vingt-quatre, les affaires concernant la laine et la soie, dans une juridiction allant jusqu'aux graux de Maguelone et Agde.
Ils tiennent leurs assises à la Loge, les mardis et jeudis (8 B 35). La Loge est située à Montpellier, à l'angle de la place de l'Herberie et de la rue de l'Aiguillerie, face au portail de Notre-Dame-des-Tables, où se réunit quotidiennement la foule ; elle est attenante au poids public. L'édifice date du XVe siècle, même si des documents prescrivent déjà sa construction au XIVe siècle (8 B 26). La construction de la Loge a été retardée par un manque de fonds et par la disgrâce de Jacques Coeur (8 B 26-27). La Loge sert aussi au culte au XVIIe siècle. Elle comporte deux salles : la salle haute, divisée en plusieurs pièces, accueille les audiences, tandis que la salle basse abrite les marchands et financiers venus y discuter affaires et y traiter leurs opérations commerciales.
La Petite Loge, située près de Notre-Dame-des-Tables, est à l'origine le siège des consuls des marchands poivriers, à l'époque où chaque corps de marchands est séparé et possède ses consuls particuliers, chargés de veiller aux besoins de leur corporation et de correspondre avec les consuls majeurs. Depuis que marchands et bourgeois se sont unis pour former un corps, la Petite Loge (car elle est très petite), est unie au patrimoine des consuls (8 B 27).
En 1692, la Loge est maintenue aux marchands et affectée à leur Bourse : une salle sert alors à l'audience, l'autre à la chambre de commerce établie par l'édit de 1704.
Aux côtés des consuls de mer, sont ponctuellement cités dans le fonds les "consuls sur mer" (ou "consuls des marchands navigants") et les consuls établis dans les comptoirs d'outre-mer. Les premiers, contrairement aux consuls de mer qui restent à Montpellier, suivent un navire dans sa route pour conseiller, arranger les débats entre marchands ou passagers et pourvoir, en cas de décès d'un marchand, à ce que sa part de cargaison échoie à ses héritiers. Il y a ordinairement un consul par navire, désigné par les consuls majeurs et dépendant d'eux, puis choisi, à partir du XIVe siècle, par une commission de marchands. Les seconds, qui sont des représentants du commerce de Montpellier dans les ports et comptoirs, les protégent. L'ordre des consuls établis dans les comptoirs d'outre-mer existe en principe dès 1187 : il est attesté non seulement en Orient aux XIIIe-XIVe siècle, mais aussi dans le Nord de la France, aux foires de Brie et de Champagne (8 B 35). Dans ce dernier cas, le consul ou capitaine des marchands de Montpellier suit les marchands, ville par ville. Il est nommé pour une période indéterminée et recçoit une somme fixe à titre d'honoraires. Sa juridiction embrasse les marchands de Montpellier et du voisinage, voire les marchands d'autres régions méridionales qui consentent à se grouper autour de lui, en particulier pour des raison linguistiques (ils parlent la langue d'oc).
Avec l'acquisition de la Provence par les rois de France en 1481, l'activité commerciale de la ville de Montpellier décline au profit de Marseille : l'entretien des graux est négligé, puis les troubles de religion, ensuite, provoquent un arrêt du commerce maritime Profitant de cela, les officiers royaux du présidial obtiennent la suppression de la juridiction consulaire en 1625 (C 2754). Les Etats généraux de Languedoc, assemblés en 1665, demandent son rétablissement, ce qui est accordé par le roi, mais reste sans exécution réelle (8 B 47), car la judicature exclut les marchands protestants de la religion prétendue réformée (qui constituent la majeure partie du corps à cette époque) et les officiers royaux s'opposent de tout leur poids à son rétablissement (tout comme la Bourse de Toulouse, par ailleurs, C 2754). Mais il semble que, dans le même temps, les consuls de mer ont conservé leurs attributions relatives à la perception de l'impôt et à l'entretien des voies de passage, mais aussi aux traités concernant le commerce. C'est, en effet, à la Grande Loge, en 1666, qu'on décide de construire un canal sur le Lez, pour lequel les consuls de mer perçoivent une redevance annuelle.
La juridiction de la "Bourse commune des marchands de Montpellier" est créée sur le modèle de celle de Toulouse par un édit de Louis XIV en date du 1er juin 1691, "pour reconnaître et décider en première instance de tous les procès et différends mûs et à mouvoir entre marchands et négociants de la généralité de Montpellier et des diocèses de Montpellier, Nîmes, Uzès, Viviers, Le Puy, Mende, Lodève, Agde, Béziers, Narbonne et Saint-Pons" (8 B 55, C 2754). Cet édit supprime en conséquence les consuls de mer, ci-devant établis à Montpellier. La Bourse commune est organisée très rapidement en tant que juridiction consulaire avant tout, et non comme une véritable place de change, à l'inverse de la juridiction toulousaine.
La Bourse commune, d'après l'édit de 1691, est composée d'un prieur, de deux juges consuls et d'un syndic, élus pour un an, et d'un nombre de bourgeois et marchands annuellement nommés par le prieur et les juges consuls pour assister avec eux au jugement de tous les différends et procès des marchands. Le cérémonial des élections du prieur et des consuls reste immuable pendant tout le XVIIIe siècle (8 B 123, 8 B 118-121) : le prieur et les consuls sortant proposent une liste de trois candidats pour chaque poste, puis une assemblée de marchands choisit parmi eux. Pour être élu (la cérémonie se déroule à la Grande Loge, siège de la juridiction), il faut avoir franchi successivement les autres grades et l'on ne peut être réélu qu'après un délai de trois ans. Quelques jours après l'élection, les nouveaux élus prêtent serment devant l'Intendant (8 B 123), pratique obligatoire sous peine de sanctions (C 6966). Puis ils procédent à la désignation des juges assesseurs de la juridiction (8 B 117), dont le nombre varie entre 14 et 23 au cours du XVIIIe siècle (C 6966) et qui sont issus d'un petit nombre de familles de la bourgeoisie marchande de Montpellier. La juridiction commence à délibérer dès 1691 (8 B 117-118, 123-134). Les trois juges sont très attachés à leurs privilèges et à la préséance (C 6966, 8 B 53, 8 B 49).
On trouve également des offices d'huissiers qui semblent avoit été les plus âprement disputés à la Bourse de Montpellier et ont causé des querelles très vives, notamment en raison de la multiplication des charges d'huissiers (C 6966). L'édit de 1691 mentionne enfin des dispositions consacrées au greffe de la juridiction dont les officiers ont posé moins de problèmes que les huissiers, à quelques exceptions près (C 6966, 8 B 146).
La Bourse de Montpellier dispose avant tout d'attributions judiciaires et connaît toutes les affaires concernant le commerce. Très tôt, elle doit faire face aux oppositions des juridictions royales, parlements en tête, qui veulent voir réduire son champ de compétences. On ne compte plus les arrêts du Conseil du roi cassant des jugements du Parlement de Toulouse, ayant accepté, en dépit des textes, de connaître en appel des affaires ressortissant de la compétence souveraine de la Bourse, notamment des affaires concernant un montant inférieur à 500 livres (A 81, A 88, 8 B 118) ou encore touchant aux faillites et banqueroutes (A 202, C 6968, 8 B 127). La Bourse rencontre aussi des difficultés au sujet de sa compétence en matière de connaissance sur le déclinatoire et sur le fonds (A 89) et en matière de modération des amendes (A 105).
Le bilan des activités proprement judiciaires de la juridiction semble très positif. Selon l'inventaire - très incomplet (8 B 449) - des sentences rendues par le tribunal de 1691 à 1791, les juges-consuls rendent un grand nombre de jugements. Leur activité s'étend à l'examen de documents, comme les bilans remis par les commerçants (8 B 394-433), ou à l'homologation de concordats (8 B 197), élaborés dans le cadre de procédures de faillites.
Dans les litiges traités par la Bourse, on compte nombre d'affaires relatives à des effets de commerce. Le billet à ordre semble l'instrument privilégié des négociants de Montpellier. En général, le souscripteur est automatiquement condamné au paiement (8 B 185, 8 B 197, 8 B 209, 8 B 251). La circulation de ces billets est courante (8 B 185), mais la négligence sanctionnée (8 B 197). Ils peuvent aussi servir comme moyen de cautionner un débiteur (8 B 185). La lettre de change occupe également une place importante dans la masse d'affaires présentées devant la Bourse. Les litiges sont vite résolus par la condamnation du tiré acceptant et, en cas de protêts, la juridiction sanctionne tireur et endosseur (8 B 209, 8 B 239, 8 B 251). Juifs et membres du clergé prennent part à ce genre d'opération (8 B 230).
Une grande partie du contentieux commercial porte aussi sur l'exécution de contrats de ventes (8 B 209, 8 B 219, 8 B 239), prêts (8 B 209) et locations (8 B 219) conclus entre négociants. Des femmes marchandes son fréquemment partie à ces conventions commerciales (8 B 185). En cas de vente de marchandises de mauvaise qualité, le marchand condamné peut se retourner contre son fournisseur ((8 B 209, 8 B 219). Lorsque l'instruction de l'affaire semble complexe, les consuls renvoient l'affaire à un marchand connu, chargé d'arbitrer (8 B 209, 8 B 219, 8 B 230).
Mais les activités de la Bourse dépassent ce cadre proprement judiciaire. La Bourse ne cesse, en effet, d'intervenir dans les affaires concernant les marchands de Montpellier avec lesquels elle ne forme qu'un corps unique. Du point de vue financier, les comptes du corps des marchands sont tenus par le premier juge-consul et c'est par délibération du corps que les comptes ainsi rendus sont clos et arrêtés (8 B 100, 8 B 101, 8 B 116, 8 B 127). Le corps des marchands alloue diverses rentes (8 B 101-102). De même, nombre de dépenses ou recettes proviennent de billets consentis par les consuls en charge (8 B 102). D'un autre côté, la Bourse contribue largement à l'administration du corps, en statuant, par exemple, pour répartir les marchands en deux classes (8 B 148). Par ailleurs, elle est amenée à conclure des actes conjointement avec le corps des marchands (8 B 148). Enfin, la Bourse a un rôle prépondérant à Montpellier pour représenter les intérêts généraux du commerce de la région de Montpellier. C'est à elle qu'on fait appel pour dresser un état des marchandises transitant dans la province (8 B 57) ou encore pour présenter des mémoires à l'Intendant de la province, aux Etats provinciaux, comme au sénéchal de Montpellier pour la défense des intérêts commerciaux de Montpellier (C 6965), souvent conjointement avec les députés de la chambre de commerce de Montpellier (C 6966-6976).